Liminaire[Notice]

  • Pauline Bouchet

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  • Pauline Bouchet
    Université Grenoble-Alpes

Depuis l’annonce de la « mort de l’auteur » par Roland Barthes en 1968, employer le terme d’« auteur » et, avec lui, celui d’« autorité » sur l’oeuvre, est devenu sujet à polémiques. L’idée d’un auteur qui détiendrait la vérité sur son oeuvre est totalement évacuée. Cette problématique est d’ailleurs plus forte lorsqu’il s’agit de spectacles vivants et en particulier de théâtre, car avec la disparition progressive, sur les scènes contemporaines, du textocentrisme et de l’idée d’un « art à deux temps », que souligne Hans-Thies Lehmann, la notion d’auteur s’est déplacée de la production du texte théâtral à la production d’objets scéniques, des metteurs en scène se voyant, par là même, désignés comme « écrivains de plateau », selon Bruno Tackels, si bien que « toutes les places du schéma qui organise le circuit de la parole de l’Auteur au Spectateur, en passant par le relais des acteurs et des personnages, sont à reconsidérer ». Tout d’abord, la situation de ceux qui se disent encore « auteurs dramatiques » est complexe et souvent précaire, et ce dossier en témoignera, notamment en France (comparativement à d’autres pays européens), comme l’explique très bien l’auteur Guillaume Poix dans le numéro de Théâtre/Public de l’hiver 2017 consacré aux écritures contemporaines européennes : Mais cette situation ne repose pas seulement sur un contexte théâtral, une conjoncture éditoriale ou des données sociologiques, elle est aussi d’une certaine façon inhérente à la fonction d’auteur dramatique : L’auteur dramatique, par le fait même qu’il délègue une parole à des personnages et qu’il ne construit pas a priori de double de lui-même sous la figure d’un narrateur, a toujours dû s’inventer une place paradoxale entre présence et absence, comme l’explique l’auteur grec Dimitris Dimitriadis : C’est cette présence-absence qui fait de l’entité-auteur au théâtre une entité mouvante et polymorphe. Ainsi, annoncer la mort de l’auteur sur les scènes contemporaines n’aurait pas de sens, car il s’agit plutôt d’une reconfiguration perpétuelle. La figure de l’auteur se métamorphose, elle se multiplie, elle se renouvelle. L’auteur est, en effet, la figure centrale de certaines écritures contemporaines québécoises et européennes, comme dans le cas plus explicite de la pièce The Author du dramaturge anglais Tim Crouch (auteur britannique évoqué par Séverine Ruset dans l’article « Les auteurs dramatiques anglais contemporains à l’épreuve des pratiques collaboratives »), dans laquelle l’auteur se désigne par son propre prénom « Tim », joue son propre rôle sur scène et se désigne comme un « monstre ». Cette pièce repousse les frontières de l’autofiction en interrogeant les limites et les pouvoirs du récit théâtral. Des acteurs de la compagnie de Tim Crouch sont disséminés dans le public (Crouch utilise leurs véritables prénoms pour les désigner dans le texte) et un personnage représente le public, « Chris » (lui aussi portant le prénom de l’acteur qui le joue). Lorsque la pièce débute, Tim Crouch raconte comment une jeune femme le conduit vers une baignoire pour qu’il s’y tranche les veines. Il donne explicitement son nom à cette femme qui ne le connaît pas : « Je suis Tim Crouch, je lui dis, l’auteur. Elle semble déconcertée. Elle n’a jamais entendu parler de moi ! » Puis les acteurs parlent successivement d’une pièce de Tim Crouch dans laquelle ils ont joué et qui a choqué par sa violence extrême. Cette pièce parle d’une jeune fille violée par son père. Le personnage-actrice Esther raconte comment elle est allée chercher une femme ayant vécu la même chose pour s’en inspirer pour son rôle. L’acteur Vic souligne dès le début de la pièce, dans une réplique éminemment métathéâtrale, la question épineuse …

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