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Mauritanie : L’espérance déçueLecture du livre de Mohamed Saleck Ould Mohamed Lemine (L’Harmattan, 2012)Mohamed Saleck Ould Mohamed Lemine, Mauritanie : L’espérance déçue. 2006-2008 : une démocratie sans lendemain, L'Harmattan, 2012, 266 p.[Notice]

  • Niels Planel

Nous avions déjà chroniqué ce coup d’État de l’été 2005 qui avait, au fil d’une intense période de transition, débouché sur des élections qualifiées d’exemplaires en Mauritanie, pays désertique qui pouvait dès lors aspirer à offrir une autre perspective sur le sens de la démocratie – précisément à une période où la démocratisation fantasmée de l’Irak par l’Amérique néoconservatrice laissait place à une intense vague de violences dans l’ancienne Mésopotamie. De fait, l’investiture du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi le 19 avril 2007 puis la formation d’un gouvernement avaient fait se lever un véritable vent d’espérance, qui souffla bien au-delà des frontières de la contrée de sable. Une espérance pourtant bientôt mise à mal : après s’être libéré du long règne autoritaire de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, déposé sans violence en 2005 par les militaires et le colonel Ely Ould Mohammed Vall (alors directeur de la Sûreté nationale et proche d’Ould Taya), le pays vit un nouveau coup d’État à l’été 2008 mettre à jour la fragilité de l’aventure démocratique. Mohamed Saleck Ould Mohamed Lemine semble le regretter plus qu’aucun autre, et pour cause : il fut le ministre des Affaires étrangères de ce gouvernement mis en place après l’élection de 2007, à l’issue de 20 ans d’autoritarisme, quand tout était à faire. Et c’est au fil des pages de sa longue et riche chronique diplomatique qu’il narre son action, mais aussi les espoirs, les déceptions et le sentiment ultime de gâchis qui ont été au cœur de son expérience. Son œuvre peut se lire comme une réflexion bâtie autour d’un journal de bord dans lequel le diplomate, qui a notamment été, au cours de sa carrière déjà longue de plus de deux décennies, Chef de la division ONU au ministère des Affaires étrangères, puis premier conseiller à New York et, enfin, ambassadeur à Genève, révèle une connaissance très solide des relations internationales, de leurs théoriciens, de leur culture, de leurs pratiques, et de leurs univers. « La diplomatie la plus efficiente agit dans la discrétion, sans fanfare, et évite les mises en scène et la visibilité inutiles » (p. 16), note l’ancien ministre, qui détaille au fil de 260 pages une action sobre et méfiante de tout coup d’éclat. « [L]a diplomatie, plus que toute autre politique publique, n’est pas du "café instantané" mais une action de longue haleine », ajoute-t-il (p. 31). C’est sur la base de ces réflexions qu’il prendra ses décisions. L’auteur revient sur un grand nombre de dossiers (relations avec le Moyen-Orient, avec Israël, avec l’Europe, les États-Unis, le Japon, positionnement par rapport au Conseil de sécurité) et décrit dans le détail les rencontres avec les diplomates, les sommets, ou les apartés entre son président et ses homologues. L’on y voit ainsi les efforts mis en œuvre pour promouvoir l’expérience mauritanienne de la démocratie auprès d’une Amérique un temps obsédée par le « Grand Moyen-Orient », qui reçoit un écho positif auprès du Sous-secrétaire d’État aux Affaires politiques, Nick Burns, mais restés sans suite, l’année 2008 voyant l’administration Bush laisser la place à une nouvelle équipe quelques mois à peine après le nouveau coup d’État mauritanien. Le diplomate revient également sur la question, complexe, du Sahara occidental, conflit qui « continue à bloquer le processus d’intégration maghrébine » (p. 153), alors que la Mauritanie n’a, à ses yeux, que des avantages à retirer d’un tel processus. Il s’attarde, le temps d’un chapitre, sur la Commission interministérielle chargée du retour des réfugiés et du règlement du passif humanitaire, autres dossiers qui hantent le pays. Mais sur tous ces enjeux, et en dépit du travail intense …