VariaChronique

Le capitalisme comme fin de l’histoire et aprèsPhilo-fictions : Après l’Histoire 2[Notice]

  • Jean-Yves Heurtebise

Affirmer que la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 et l’effondrement du bloc soviétique subséquente sont la preuve formelle et définitive que la philosophie de Marx est fausse, c’est un peu comme dire que la défaite nazie de Stalingrad en 1943 et le suicide d’Hitler le 30 avril 1945 sont la preuve formelle et définitive que la philosophie de la Volonté de Puissance de Nietzsche est fausse : c’est tout à fait idiot. Pour au moins deux raisons : 1. Identifier une philosophie à une forme historique qui prétend s’en inspirer est fort douteux. 2. Juger la pertinence d’une idée qui concerne l’ensemble de l’histoire à l’échec ou à la réussite de sa (supposée) « mise en application » présente est extrêmement limité. Ainsi quand Raymond Aron affirmait dans son cours à la Sorbonne de 1955 : « L’idée, d’origine marxiste, de l’autodestruction du capitalisme, est plutôt un mythe », malgré tout le respect que l’on se doit d’avoir pour l’un des meilleurs produits de l’institution académique française, il semble qu’il s’agisse plus d’un énoncé idéologique que d’une proposition valide. En effet, « l’autodestruction du capitalisme » est dans une optique « marxiste » ce qui devrait advenir à la fin de la propagation totale du capitalisme. Tant que cette réalisation totale n’est pas achevée, nul n’est en mesure de prévoir la suite, nul n’est en mesure de connaître la conséquence qu’aura cette diffusion totale du capitalisme ; personne donc ne peut dire que l’affirmation marxiste selon laquelle la diffusion totale du capitalisme produira son propre renversement est fausse (« mythique »)… ou vraie (« scientifique »). La seule chose sur laquelle on puisse s’accorder, c’est que si le capitalisme est le moteur de l’Histoire, il ne guidera l’Histoire qu’autant qu’il y aura encore assez de fuel pour l’alimenter. Or quelle est la ressource, plus renouvelable que le pétrole, qui fait tourner le moteur capitaliste de l’Histoire ? C’est l’homme et, plus exactement, l’exploitation de l’homme par l’homme comme productrice d’une différence sociale entre riche/connecté/influent et pauvre/isolé/sans pouvoir. En effet, comme tout moteur énergétique, le capitalisme fonctionne sur la différence et l’annulation de la différence. Chaud et froid dans le cas de l’énergie thermodynamique, haut et bas dans le cas de l’énergie cinétique, l’énergie découle de la mise en rapport entre deux sources opposées et de l’annulation de la différence dégagée par ce rapport : le chaud au contact du froid produit de la vapeur et de l’énergie ; le haut au contact du bas produit du mouvement et de l’énergie ; le lourd au contact du léger produit de la pression et de l’énergie… Ce qui fait tourner la machine nommée le capitalisme à produire du bien consommable, c’est la différence entre riche et pauvre. Comment utiliser cette différence sans l’annuler est le problème du capitalisme. Comment utiliser la différence entre riche et pauvre pour produire de la « plus value » sans l’annuler par un retour partiel de cette « plus value » à ce d’où elle vient, à savoir la société, c’est-à-dire comment utiliser la différence entre riche et pauvre sans que le produit de cette différence l’annule via une élévation continue du niveau de vie global, ou plus exactement sans que l’élévation continue du niveau de vie global entraîne une dissolution progressive de la différence entre riche et pauvre par une modération totale, à la fois vers le haut et vers le bas, de la richesse et des revenus, est le problème que l’économie capitaliste essaie chaque jour, chaque minute, chaque seconde de résoudre. Comment produire du développement sans annuler l’exclusion …

Parties annexes