Débat : Où va la psychiatrie ?

L’avenir de la psychiatrie : en réponse à Apollon, Bergeron et Cantin[Notice]

  • John A. Talbott

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  • John A. Talbott
    M.D., professeur de psychiatrie, University of Maryland School of Medicine, Baltimore.

La question de l’avenir de la psychiatrie en est une à laquelle j’ai fait face de façon périodique, mais c’est toujours avec une vive inquiétude que je l’ai abordée (Talbott, 1971, 1979, 1980, 1983, 1984, 1985, 1986a, 1986b, 1989, 1992, 1995, 1998a, 1998b, 2001, 2004). Certes, il est facile et rassurant de projeter simplement les tendances actuelles dans l’avenir, mais cela ne permet pas de prévoir des événements telles la chute du mur de Berlin, la découverte des antibiotiques ou l’utilisation planétaire des ordinateurs et de l’Internet. D’un autre côté, la prédiction d’événements aussi singuliers est si improbable que cette méthode en vient à ressembler à de la clairvoyance plutôt qu’à de la planification. Encore plus improbable est la prédiction que l’avenir s’inscrit dans un retour vers le passé. Apollon, Bergeron et Cantin présentent une approche provocatrice certes. Toutefois, elle ne s’avère séduisante qu’en apparence. Si je comprends bien leurs propos — et j’avoue ne pas en être certain — ils soutiennent que puisque nous faisons face aux « limites de la psychiatrie biologique », nous devons chercher un traitement optimal des personnes souffrant de maladie mentale, particulièrement des jeunes patients psychotiques, en traitant chaque individu comme étant unique et méritant notre entière attention. Jusque là, je suis entièrement d’accord. Le réductionnisme biologique et la dépendance à des études avec de larges échantillons de « n » posent sans cesse des défis aux soins optimaux. À titre d’exemple, je me souviens très bien de la présentation d’une recherche par l’un de nos géants américains de la psychopharmacologie où 90 % des patients répondaient positivement à la médication. Toutefois, la curiosité des experts n’avait pas été piquée par ce résultat ou par les données qui pouvaient expliquer que les autres 10 % réagissaient autrement. Toutefois, à ce stade, Apollon, Bergeron et Cantin commencent à se perdre. Espérant échapper à la critique qu’ils partent d’un fondement philosophique plutôt que scientifique, ils déclarent leur biais pour le « non mesurable » (unmeasurable) et poursuivent leur errance. Ils commencent à lancer des mots tels épistémologie, idéologie et éthique. Lorsqu’ils ont recours aux mots symbolique et psychose dans une même phrase, vous savez qu’ils sont sur une voie trouble — et lorsqu’ils affirment qu’il y a un conflit entre l’approche scientifique et l’approche clinique, vous savez qu’ils sont perdus. L’épistémologie se définit (Principia Cybernetica Web) comme « une branche de la philosophie qui étudie les connaissances. Elle tente de répondre à la question fondamentale suivante : qu’est-ce qui distingue les vraies connaissances (adéquates) des fausses connaissances (inadéquates) ? » Ceci n’est pas nécessairement incompatible avec la méthode scientifique. Ils affirment que la « psychiatrie Nord-Américaine » actuelle est dominée par une confusion entre esprit et psyché ou entre esprit et (une fabrication du) cerveau et que cela pourrait être considéré comme étant de l’ordre de l’idéologique. Bien, j’imagine que oui, mais cela n’est pas pour autant inévitable. Comme pour ce qui est de l’éthique, ils soutiennent que « les phénomènes mentaux… ne répondent pas.. aux conditions nécessaires… [pour en faire]… un domaine strictement scientifique… » et donc « s’inscrivent dans la catégorie de l’éthique ». Bon, comme je l’ai dit au début, ces auteurs sont à tout le moins provocants. Mais j’en dirai davantage au sujet de l’éthique plus loin. Abordons pour le moment ce clivage qu’ils proposent entre « la science et l’approche clinique ». Bien sûr, je m’aventure ici sur une glace un peu mince, puisque je dois deviner ce qu’ils entendent par « approche clinique » puisqu’ils négligent de la définir. Le dictionnaire scientifique (Hyperdictionary) (a) (http://www.hyperdictionary.com/dictionary/scientific+method …

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