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« Bannis, parias, exclus, porteurs d’invisibles étoiles. Ils marchent en frôlant les murs, têtes baissées, épaules tombantes, mains crispées s’accrochant aux pierres des façades, gestes las de vaincus, de mordeurs de poussière. »

Georges Perec (114)

Introduction

L’ŒUVRE DE JACQUES FERRON entretient un rapport très particulier avec «l’anglicité», que ce soit par l’intermédiaire des anglo-phones du Québec, de ceux du Canada anglais, des États-Unis ou du Royaume-Uni. À ce chapitre, il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que l’auteur ait consacré plusieurs textes à la question de l’Acadie[1], lieu où francophones et anglophones se trouvent nez à nez; terre mitoyenne entre le Québec à prédominance francophone et l’Amérique du Nord anglophone.

Ce rapport à l’anglicité est cependant loin d’être trivial, et n’emprunte pas que l’unique modulation du réquisitoire et de la dénonciation[2]. Il s’agit d’un discours complexe et nuancé, oscillant continuellement entre les pôles extrêmes de la séduction-répulsion. De plus, ce discours est largement polyphonique, et le plus souvent médiatisé par les voix de nombreux personnages dans ses ouvrages de fiction. Que l’on pense par exemple au délire prophétique de l’Irlandais CDA Haffigan et à la révolte de son fils cadet Connie, qui se fait effelquois[3], dans Le salut de l’Irlande; au discours mercantile, désincarné et terrifiant de Papa boss[4], préfiguration avant l’heure du néolibéralisme débridé qui sévit actuellement à l’échelle de la planète; à l’anglicité rieuse, taquine et complice du personnage caricatural de Monsieur Northrop, de l’Amélanchier, qui relève presque de la bande dessinée; à la vision onirique noire de l’horreur guerrière sous les traits du cardinal américain à tête de porc : «Il envoie son cardinal à tête de porc bénir la guerre. Il crache le napalm, c’est sa Pentecôte.» (La charrette 85)[5]; ou enfin au long itinéraire de Frank Scott dans l’œuvre de Ferron, qui se termine par son congédiement dans L’appendice aux Confitures de coings[6].

L’anglicité se déploie donc dans l’œuvre ferroniennne sous la forme d’un riche kaléidoscope aux multiples facettes, parfois complémentaires et parfois contradictoires. L’une des nombreuses formes que prend ce déploiement est une singularité langagière particulièrement intéressante qui consiste en l’occurrence de formes lexicales dont la graphie a été fran-cisée par l’auteur (ex. néveurmagne pour «never mind» ou chéquenne pour «shake hand»). L’existence de ce phénomène avait été soulignée par Jean Marcel et par Betty Bednarski. mais n’avait jamais fait l’objet d’un examen exhaustif, ce qui a constitué l’objet principal d’une étude réalisée récemment (Richard Patry 1998). C’est cette première étude qui a permis de mettre en évidence les particularités du conte La vache morte du canyon qui seront présentées dans celle-ci.

Afin de bien situer la problématique et la pertinence de la présente étude, nous résumerons d’abord brièvement celle réalisée en 1998. Nous appuyant principalement sur l’analyse de Jean-Pierre Boucher, nous examinerons ensuite l’organisation et le contenu du conte La vache morte du Canyon ainsi que de son pendant narratif «Cadieu». Enfin, nous question-nerons à fond la fonction exercée par le lexique francisé qu’il contient, et qui se signale tant par sa densité que par sa variété.

Appropriation du lexique étranger dans l’œuvre de Jacques Ferron

L’étude de 1998 comportait quatre questions principales. La première question était celle de savoir si le phénomène de francisation orthographique des mots étrangers est épisodique ou fréquent dans l’œuvre de Jacques Ferron. Concernant cette question, un décompte effectué à partir d’une version électronique de l’œuvre et de logiciels de recherche contextuelle a permis d’établir qu’elle contenait 348 occurrences et 76 vocables de ce type de lexique[7]. Ce résultat permet d’établir qu’il s’agit d’un phénomène important au plan quantitatif et qui ne se limite pas à quelques occurrences disséminées de façon éparse dans l’œuvre de l’auteur.

La deuxième question consistait à déterminer si ce lexique étranger démontrait une quelconque prédilection en terme de catégorie grammaticale. Cette question nous a paru importante au plan de l’analyse du langage en raison de la portée stylistique du phénomène ici en cause, qui met en jeu une double dynamique du strict point de vue langagier. Tout d’abord, ces interventions sur l’orthographe d’usage de l’autre langue signalent une volonté d’appropriation, un désir de vêtir ce lexique des attributs orthographiques de sa propre langue maternelle et de ce fait, de lui conférer un caractère de familiarité. D’autre part, ce procédé déclenche simultanément une dynamique inverse de mise à distance, par le travestissement qui signale l’intrus dont on est conscient de la différence, celui que l’on admet et que l’on montre du doigt dans un même mouvement.

Il nous a donc paru utile de déterminer quels types de mots sont les plus susceptibles d’être l’objet de ces métamorphoses orthographiques. Les résultats obtenus ont permis d’établir que des 76 vocables relevés dans l’œuvre de Ferron : 33 (43.42%) sont des noms propres (de personnes, de lieux, d’institutions, et de corporations ou marques commerciales), 30 (39.47%) sont des noms communs ou des adjectifs qualificatifs, 11 (14.47%) sont des interjections ou des expressions diverses, et 2 (2.64%) sont des verbes.

La troisième question consistait à déterminer si ce lexique étranger était uniquement de langue anglaise, qui tant en raison du passé colonial du Québec, que de son histoire récente, ou de sa position en Amérique du Nord, est encore actuellement la seule «autre» langue en compétition véritable avec le français. Les résultats démontrent donc de façon prévisible qu’une très forte proportion (71 vocables, 93.42%) du vocabulaire ici concerné est de langue anglaise. Cependant, 5 vocables sont d’une origine autre que de langue anglaise : trois noms propres germaniques Loutiquenne [Lutiken], Shouadzeur [Schweitzer] et Quéclin [Koechlin]; un nom de ville danois Elséneur [Elseneur/Helsingør][8]; enfin, un nom propre grec le Démon Stène [Démosthène][9].

La dernière question portait sur la distribution globale des occurrences dans les quatre genres textuels qui forment l’œuvre publiée de l’auteur : récit, polémique, théâtre et relations épistolaires[10]. Les résultats obtenus ont entre autres permis d’établir que le genre du récit regroupait à lui seul près de 70% du total des occurrences (241 occurrences, 69.25%)[11]. Enfin, le résultat le plus marquant dans l’analyse de cette quatrième question consiste en le fait que près de 45% du total des occurrences dénombrées pour le genre du récit sont concentrées dans le conte La vache morte du canyon (107 occurrences, 44.40%). Il s’agit là d’un résultat, dont le moins que l’on puisse dire, est qu’il attire l’attention. De fait, il constitue le point de départ de la présente étude[12].

Exil et dépossession : Cadieu et La vache morte du canyon

Dans l’analyse qu’il propose des contes de Jacques Ferron, Jean-Pierre Boucher établi un parallèle étroit entre La vache morte du canyon et Cadieu; le premier étant, selon l’auteur, une expansion, plus profonde et plus dramatique, du second. Nous commencerons donc par un examen de celui-ci, qui permettra de mettre en place les composantes nécessaires à une meilleure compréhension de La vache morte du canyon.

Cadieu

Cadieu est le fils aîné d’une famille nombreuse de milieu rural québécois traditionnel. À l’âge de quinze ans, il commence à travailler et pourvoit à son entretien et à son habillement. Deux mauvaises expériences surviendront à ce jeune homme au contact du chauffeur de taxi Thomette D’Amour : une première cuite ruineuse et une première expérience amou-reuse qui le sera non moins. Suite à ces déconvenues, Cadieu décide d’entrer en religion, se dispute avec son père et prend finalement la route en quête de son noviciat. Il arrive au traversier de Québec, mais n’a pas d’ar-gent pour acheter son billet dont le coût sera acquitté par un inconnu sympathique du nom de Rougeaud. Cadieu suivra celui-ci dans un chantier de la Gatineau où il travaillera comme bûcheron. Une deuxième expérience amoureuse se soldera par une chaude-pisse qui amènera Cadieu à venir se faire soigner à Montréal, voyage au cours duquel il changera de nom pour Eugène Dubois. À Montréal, le médecin traitant lui prendra tout son ar-gent, et Cadieu, sans le sou, fréquentera les sans-abris et, à l’initiative de Sauvageau, fera la connaissance de Mithridate, le Roi du pont, qui lui fera passer l’initiation des clochards et lui fera goûter à la robine[13]. Par la suite, Eugène Dubois deviendra un homme riche et important. Sa prospérité lui donnera cependant envie de renouer avec son arbre généalogique, et il retournera dans son village natal à la maison paternelle où on ne le reconnaîtra pas et où on le prendra pour un épouseur. Eugène achètera la maison et y mettra le feu : «J’eus la maison pour pas grand’chose, une haute et grande maison, qui d’habitant passé à journalier, ayant perdu son domaine, restait à l’étroit, le long du chemin. Pour la libérer, j’y mis le feu. Ce fut un beau spectacle. Toute la paroisse y assista.» (33).

Cadieu selon Jean-Pierre Boucher

L’auteur souligne d’abord le fait que «Les épreuves que traverse Cadieu ne sont pas choisies au hasard. Elles appartiennent à une espèce de rite qu’ont vécu des milliers d’autres québécois, ce qui confère au récit de Cadieu une valeur mythique.» (82).

Selon l’auteur, ce récit présente en premier lieu une situation de manque global organisée autour de quatre facteurs interdépendants. Tout d’abord l’état de détérioration avancé de la maison familiale; ensuite la détresse du père, qui n’arrive que très péniblement à gagner le pain quotidien de sa famille; la détresse de la mère qui voit chaque année apporter un nouveau-né et qui ne sait comment mettre un terme à cette enfilade incessante de naissances; enfin, la détresse des enfants eux-mêmes, qui ne voient pas, dans un contexte familial aussi précaire, comment ils peuvent concevoir leur avenir (p.82).

En ce qui concerne Cadieu, lui-même, Jean-Pierre Boucher identifie trois facteurs qui préparent son départ de la maison : l’achat de vêtements neufs, qui lui permettent un début de vie sociale, et les deux mauvaises expériences découlant de sa rencontre avec le chauffeur de taxi. Ce départ de la maison paternelle, qui survient par la suite, est considéré comme un moment charnière du récit par l’auteur : «Ici se situe en effet une fonction très importante, celle du départ de la maison paternelle, qui fait que tout ce qui précède peut être considéré comme un long préambule à l’action principale qui s’engage.» (84).

Commence ensuite la véritable série d’expériences de dépossession du protagoniste, que l’auteur identifie aux quatre lieux principaux de séjour de Cadieu dans le récit. Québec, tout d’abord, où le héros du conte «…apprend à ses dépens, que sans argent on n’est rien à la ville» (85), et où il fait la rencontre de Rougeaud qui l’entraînera vers sa seconde destination, le chantier dans la Gatineau. Celle-ci ne lui sera guère non plus de grand profit. Il y attrapera une chaude-pisse, qui aura pour conséquence son voyage à Montréal. C’est au cours du voyage en train conduisant à la grande ville que Cadieu changera son nom pour celui d’Eugène Dubois. Il sera ensuite bien tondu par son médecin traitant, qui lui prendra tout son argent, et se retrouvera parmi les clochards et les mendiants du Centre-ville. C’est enfin au parc Viger qu’il fera la rencontre de Mithridate et qu’il sera initié à la robine : «Cette dernière épreuve sur laquelle se termine le noviciat et au-delà de laquelle se trouve la liberté, c’est celle du feu, celle du poison, celle de la robine.» (87).

Pour Jean-Pierre Boucher, cette initiation du personnage principal, au terme de laquelle se trouve la liberté et la prospérité, constitue une mimésis anticipée de l’incendie de la demeure paternelle qui viendra par la suite. En mettant le feu à la maison, Cadieu joue auprès des siens un rôle bénéfique semblable à celui que Mithridate a eu par rapport à lui : «En somme, Cadieu joue auprès des siens le rôle qu’a joué Mithridate dans sa vie. C’est pourquoi l’auteur lui a laissé le soin de raconter luimême son histoire, de dire je, de prendre en charge la marche du récit, autant de signes qui témoignent de sa libération.» (p.88).

Cependant, le personnage obtient cette libération en y mettant le prix fort; soit le renoncement définitif à son identité d’origine, dont il n’aurait pu être sauvé qu’en étant reconnu par les siens, qui, comme nous l’avons vu auparavant, le prennent pour un épouseur : «Le conte se termine ainsi sur un nouveau départ de Cadieu, évidemment définitif, toute possibilité de retour étant anéantie par l’incendie de la maison. Dubois, c’est maintenant son nom pour le reste de sa vie, devra apprendre à vivre amputé d’une partie de lui-même.» (89).

L’auteur souligne enfin que la facture narrative du conte; le ton humoristique et presque badin sur lequel ces événements sont racontés, vient en quelque sorte ajouter à son caractère tragique en le masquant : «La magie de la langue dissimule la dureté des faits rapportés en sorte qu’il est possible à un lecteur insouciant de croire qu’un conte de Ferron ça se boit comme de l’eau. C’est oublier que la robine a la même couleur que l’eau.» (90).

Cette présentation succincte des principaux aspects de la structure de Cadieu nous permettra de mieux situer et circonscrire celles du conte qui constitue notre objet d’étude principal.

La vache morte du canyon

François Laterrière est originaire du rang Trompe-souris à Saint-Justin de Maskinongé[14]. Il est le cinquième fils d’Esdras et veut devenir cultivateur, comme son père. Or, la terre paternelle revient par héritage au fils aîné de la famille, et comme il n’y a plus de terres disponibles dans le village ni dans le reste du comté, François se met en quête de son bien dans un périple au Farouest, sur les conseils du curé et de son père.

Après deux années de pérégrinations qui l’ont conduit successivement à Toronto, Winnipeg et Régina, François atteint finalement le terme de son voyage à Calgary où il entre dans une taverne pour étancher sa soif. Il s’avère que le tavernier, également tenancier d’une touristeroume, un certain Siméon Désilets, vivant avec une compagne irlandaise du nom de Biouti Rose, est l’oncle de François. Le tavernier voit dans François un envoyé de la Providence, un futur époux pour Églantine, fille du Tchiffe, un Amérindien, vieux client de Siméon, et à qui ce dernier a promis depuis longtemps de trouver un bon mari à sa fille. Les jeunes gens se rencontrent, se marient et partent vivre dans un canyon avec un troupeau de buffles et une génisse — auquel s’ajoutera plus tard un jeune taureau - afin de satisfaire François qui veut être cultivateur, et le plus possible à la manière de son père et de ses ancêtres. Le Tchiffe, berné toute sa vie par les blancs et à maintes reprises par Siméon Désilets, se vengera de ce dernier et l’assassinera en le poignardant, crime pour lequel il sera pendu.

Dans le canyon, François construira une réplique, la plus exacte possible de la maison du Trompe-Souris et tentera de vivre à la manière de son père et de ses ancêtres, mais sans succès. Le canyon est inhospitalier. Une sécheresse prolongée viendra à bout des forces de la génisse, devenue vache, qui mourra pour poursuivre une existence spectrale d’errance dans le canyon. Églantine, enceinte et sur le point d’accoucher, sera tuée par le jeune taureau. François sauvera le nouveau-né de cette hécatombe, et après une marche de trois jours, se présentera, méconnaissable, à la taverne où il ne sera reconnu par Biouti Rose que grâce au chapelet que feu son oncle lui avait donné. Celle-ci réussira à le convaincre de rester auprès d’elle et de la laisser élever l’enfant, qui est une fille nommée Chaouac[15]. François prendra une chambre à la touristeroume, mais refusera de travailler à la taverne. Il ira s’engager dans un ranche comme cow-boy, changera plusieurs fois d’emploi et réalisera ses meilleurs exploits au rodéo du père Jessé Crochu sous le nom de Frank Laterreur. Durant cette période, François ne reconnaîtra pas son curé venu en visite dans l’ouest canadien en compagnie de l’historien Ramulot[16] au nom du «Comité de la Survivance de l’agonie française en Amérique». Ces protagonistes voulaient remettre une décoration à Frank Laterreur, mais ce dernier leur fit un mauvais parti, prenant son curé pour un pasteur protestant et se voyant insulté par l’historien qui voulait lui remettre une fleur de lys, ce qui dans l’ouest, est la figure avec laquelle on marque les veaux.

Lorsque Chaouac a six ans, il quitte Calgary et refait son périple initial à rebours, périple durant lequel il fera fortune en faisant plusieurs petits métiers, en devenant un peu gagnestère et en ayant une touristeroume à lui, à Montréal.

Au terme de son long périple qui aura duré 25 ans, François revient au Trompe-Souris en limousine pour raconter son histoire — du moins, ce que peux en entendre un homme de religion — à son curé, qui le félicite d’avoir réussi, alors que François venait demander pardon d’avoir trahi son idéal. Il s’en va ensuite pour une deuxième fois. François n’a plus d’illusions, et il constate l’immobilisme et l’indifférence de son pays natal qui en fait ne l’a jamais aimé. Il rentre à Montréal et vend limousine et touristeroume. Il retourne dans son canyon qui est l’endroit du monde où il se sent le moins malheureux et où le spectre de «… la vache morte beuglait vers un inaccessible Trompe-Souris» (135).

La vache morte du canyon selon Jean-Pierre Boucher

Selon Jean-Pierre Boucher, ce conte, comme Cadieu, met en scène la même thématique de l’exil et de la dépossession. Une première différence, cependant. La vache morte du canyon est beaucoup plus étendu en nombre de pages. Le recueil Contes est composé de trois parties principales : «les contes du pays incertain», «les contes anglais» et «contes inédits». La vache morte du canyon termine la première partie du recueil. C’est également le conte le plus long de tout le recueil. Jean-Pierre Boucher le caractérise d’ailleurs en disant qu’il «prend les dimensions d’un petit roman.» (12).

Seconde différence, il est également beaucoup plus étendu dans le temps et dans l’espace : «Mais à la différence de ce dernier [Cadieu] qui n’avait pas quitté le Québec et dont les aventures tenaient dans une période de cinq ou six ans, François doit s’expatrier dans le Farouest canadien et vingt-cinq années s’écoulent entre son départ et son retour au village natal.» (91).

Dernière différence significative, le caractère plus tragique et plus noir de La vache morte du canyon, qui ne comporte aucun geste libérateur de la part du personnage principal, et au terme duquel aucun espoir d’améliorer sa condition n’est concevable : «François Laterrière, au contraire de Cadieu, ne dirige pas le récit. François est un Cadieu qui ne pourra même pas mettre le feu libérateur à la maison familiale. Quand François quitte son village pour la deuxième fois, rien n’a changé et rien n’indique que quoi que ce soit va changer.» (96).

L’auteur note cependant une similitude importante entre les deux contes. Le langage, par l’intermédiaire de la virtuosité d’expression de Jacques Ferron, fait aussi écran dans La vache morte du canyon pour masquer le caractère inéluctablement tragique de la progression du récit : «La vie de François étant une reprise de celle de Cadieu mais en plus noir, l’auteur redouble d’efforts pour que le tragique soit continuellement masqué par les vertus de la langue.» (91).

Selon Jean-Pierre Boucher, deux séquences règlent la structure du récit : la première est centrée autour d’un idéal impossible à atteindre, et la seconde est marquée par une longue suite d’expériences de dépossession (91-92).

L’idéal impossible à atteindre pour François, c’est d’être cultivateur, comme son père et ses ancêtres, dans l’ouest canadien. C’est là pure utopie. L’idéal agriculturiste du Québec traditionnel ne peut être ainsi transporté en terre étrangère[17]. Jean-Pierre Boucher souligne d’ailleurs la sévérité de jugement dont Jacques Ferron fait preuve à l’endroit des propagateurs de l’idéologie selon laquelle le Québec avait pour mission de franciser l’Ouest canadien et le Nord des États-Unis (95).

De son coté, la première expérience de dépossession consiste en le départ initial du village. Pour Jean-Pierre Boucher, il s’agit de la plus grave, celle de laquelle découlera tous les autres malheurs qui surviendront à François Laterrière (96). La suivante consiste en l’installation du couple (François et Églantine) dans un canyon, et non sur une terre agricole comme le commandait son idéal, avec un troupeau de buffles pour cheptel principal et la «petite vache» comme prix de consolation. Viennent ensuite la mort de la vache suivie de celle d’Églantine, qui selon Jean-Pierre Boucher, viennent mettre un terme définitif à la possibilité de voir se réaliser l’idéal de François (97).

Ensuite commence pour François la véritable dérive. À compter de ce moment, il n’habite même plus ce canyon qui n’était pourtant qu’un mirage en trompe-l’œil de son idéal, mais la touristeroume de Biouti Rose, qui selon Jean-Pierre Boucher, joue auprès de François un rôle comparable, bien que non tout à fait identique, à celui de Mithridate auprès de Cadieu (98). Et il n’élève plus des buffles, mais exerce un métier grotesque au rodéo du père Jessé Crochu. Dans cette entreprise, il perdra même son nom et s’appellera désormais Frank Laterreur. Il exercera ensuite trente-six petits métiers incluant le banditisme pour finir à Montréal comme tenancier de bordel.

Finalement, la dernière gorgée de cette coupe amère l’attend dans son village natal, à Saint-Justin de Maskinongé, où il revient après 25 ans d’absence. Il a beau être riche et avoir réussi dans le monde, il découvre enfin qu’il n’est pas le fils de son pays et qu’il ne l’a jamais été :

Il est nié dans son essence même par sa patrie qui lui refuse une place; les biens matériels qu’il abandonne ne lui sont d’aucun secours pour calmer son tourment. Plus malheureux que Cadieu, qui lui aussi quitte son village natal après y être revenu, il n’a même pas l’espoir que l’avenir soit différent du passé. La paroisse n’a pas changé, les hommes non plus, et rien ne laisse prévoir quelque changement. L’impasse se dresse au bout de tous les chemins. (99).

Ce résumé des deux contes et l’excellente analyse qu’en propose Jean-Pierre Boucher permettent d’établir, dès maintenant et sans le moindre doute, que l’étranger qu’ils mettent en scène, celui qui y est mis à la marge, n’est nul autre que François Laterrière lui-même; exilé chez l’anglais, et par les siens, en raison de l’idéologie conservatrice et mesquine que défendent son propre père et son curé.

Comment peut-on situer et rendre compte adéquatement de la forte densité de termes anglais francisés par l’auteur dans une telle configuration narrative ? C’est à l’examen de cette question que sera consacrée la deuxième partie de cette étude, tout d’abord par l’intermédiaire des vo-cables concernés par ce processus, ensuite, sous l’angle du nombre important d’occurrences mises en jeu dans ce récit.

Le Vocabulaire francisé dans La vache morte du Canyon

La vache morte du canyon contient une concentration particulièrement dense d’occurrences de termes francisés. Plus précisément, comme le démontre le tableau 1, ce conte totalise à lui seul 12 vocables et 107 occurrences de ce type de vocabulaire.

Table 1

Tableau 1 Effectifs des termes francisés par vocable dans le «La vache morte du canyon»[18]

Tableau 1 Effectifs des termes francisés par vocable dans le «La vache morte du canyon»18

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Les vocables

Selon les données présentées dans le tableau 1, ce conte met donc en jeu un peu moins de 16% (15.79%) du total du vocabulaire que constitue l’ensemble des termes francisés par l’auteur. C’est relativement peu, compte du nombre élevé d’occurrences qui, reporté proportionnellement sur le nombre de vocables, représente un taux de répétition moyen très élevé de 8.92[19].

Ces résultats permettent donc d’observer que ce conte ne se distingue pas particulièrement au chapitre de la proportion de lexique francisé qui y est mise en jeu. Cependant, il est important de souligner le fait que 5 vocables réalisent la totalité ou une forte proportion de leurs occurrences dans cet unique conte. C’est en effet le cas pour les vocables Tchiffe et ranche dont 100% des 26 et 5 occurrences respectives se trouvent dans La vache morte du canyon. De leur côté, touristeroume, Biouti Rose et Farouest réalisent respectivement 93.75%, 88.89% et 54.76% de leurs occurrences dans ce conte.

Cette tranche de vocabulaire ne se signale pas que comme étant spécifique au conte. Les termes qui la composent s’avèrent aussi particulièrement révélateurs : 2 noms propres et 3 noms de lieux, autour desquels s’organise le double versant de l’abîme de dépossession dans lequel le héros s’enfonce progressivement tout au long du récit. C’est avec la tranquillité et l’abandon de la marche des somnambules que François cheminera vers sa perte, qu’il vivra la destinée contenue en germe dans la logique fatale et les conséquences inévitables de son idéal impossible.

Les deux noms propres sont ceux du Tchiffe et de Biouti Rose, qui chacun à leur façon sont des doubles de François. Le Tchiffe est un Amérindien floué et berné par les blancs, et particulièrement par Siméon Désilets. Ce dernier le décrit d’ailleurs à François, surpris face à cette dénomination énigmatique, comme «… un emplumé, une sorte d’Iroquois.» (106), et il n’hésite pas à lui avouer ses torts face à l’amérindien : «Or si quelqu’un a exploité, roulé, volé le vieux Tchiffe, je peux te l’apprendre, tu es mon neveu : c’est moi.» (106) Comme François, le Tchiffe écoute la voix des curés et se trouve en quête d’un idéal impossible qu’il ne comprend pas et qui le dépasse : «Les esprits, ce sont les curés volants du bon Dieu; quand ils ont parlé, il faut leur obéir, autrement on devient fou.» (106). L’histoire du Tchiffe fait manifestement pendant à celle de François, et le fait n’est certes pas à négliger que ce double de François soit incarné par un Amérindien. Ces derniers sont les dépossédés par excellence de l’Amérique, et Jacques Ferron les présente à plusieurs reprises dans son œuvre comme ayant des liens d’amitié et de fraternité avec les Canadiens francophones.

Le Tchiffe donne donc sa fille en mariage à François en croyant qu’il est un envoyé de Dieu. Il lui donne également un canyon où tenter de réaliser son rêve, voué à l’échec le plus complet, comme nous l’apprendra la suite de l’histoire. Le Tchiffe se révoltera et ira jusqu’au bout de cette révolte en assassinant Siméon Désilets, geste pour lequel il sera pendu. François, lui, ne se révoltera jamais et boira la coupe de la dépossession jusqu’à la dernière goutte de la lie.

François sera ensuite sauvé de la déperdition par Biouti Rose, compagne de Siméon Désilets, mais qui ne prendra la parole dans le récit qu’après la mort de ce dernier[20]. Native de Dublin et ayant quitté son pays très jeune après avoir «façonné son Irlandaise à la hâte» (122) pour vivre un peu partout dans le monde de ses avantages tant qu’elle a pu, Biouti Rose est une apatride comme François. Cependant, elle a refusé de se conformer aux volontés de son défunt compagnon qui ne voulait pas que la touristeroume soit adjacente à la taverne : «...j’ai été infidèle aux principes de ton oncle, j’en ai regret même si je ne les approuvais pas; tu es son neveu, je t’aide et m’excuse ainsi.» (123). C’est au contraire sur celleci qu’elle construira une bonne part de sa prospérité matérielle. C’est là qu’elle hébergera François et que Chaouac sera élevée. C’est enfin en suivant le modèle de sa tante, en ayant lui-même une touristeroume à Montréal, que François fera finalement fortune.

De leur côté, les trois noms de lieux marquent une gradation progressive dans la dépossession de François. Tout d’abord, le Farouest constitue le premier stade de cette gradation. C’est le lieu de l’exil, la grève sur laquelle il est rejeté par la mesquinerie de son pays natal. En-suite, le ranche est la seconde étape de cette progression et marque concrètement le renoncement à la poursuite de l’idéal. En effet, à partir du moment où il travaille dans les rodéos, François tourne définitivement le dos à son rêve de devenir cultivateur comme son père et ses ancêtres. Enfin, la touristeroume est le point culminant et l’aboutissement de ce processus de dégradation, cependant marqué d’un caractère duel. La touristeroume est d’abord la contrepartie noire de l’idéal de François et le symbole de sa faillite morale comme individu. De façon paradoxale, elle est en même temps son lieu de Rédemption et la source de sa pros-périté matérielle.

La touristeroume marque la fin d’un itinéraire pour François, un itinéraire scellé par la déchéance d’un homme qui se voulait le digne successeur de ses ancêtres et qui se retrouve à faire fortune comme tenancier de bordel; d’un homme qui a vu la vie détruire son idéal avec acharnement et ténacité, et qui renoncera finalement à l’aisance de la richesse matérielle acquise pour se réfugier dans son simulacre de Trompe-Souris dans le canyon.

La tranche de vocabulaire formé par les 5 vocables de haute fréquence ici concernés remplit donc une fonction importante dans l’organisation de ce récit, fonction qui pourrait être résumée dans le schéma suivant :

Figure 1

Figure 1 Vocabulaire francisé de haute fréquence et thème de la dépossession

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Les occurrences

C’est cependant au chapitre des occurrences que ce conte présente les résultats les plus remarquables. Les 107 occurrences que nous y avons relevées représentent 79.26% du total de celles du recueil Contes, 44.40% de celles dénombrées dans l’ensemble des œuvres à caractère narratif, et 28.30% de l’ensemble des œuvres publiées de l’auteur. Cette dernière proportion signifie que ce petit texte d’environ 30 pages compte à lui seul plus du quart de toutes les occurrences de termes francisés présents dans l’œuvre publiée entière de Jacques Ferron.

La vache morte du canyon constitue donc un temps très fort de cette stratégie de francisation, et dans le contexte d’une telle concentration, on pourrait légitimement s’attendre à ce que le rapport à l’anglais ou à l’anglicité, à «l’Autre», y soit omniprésent. Sa présence étant signalée dans le corps de l’écriture avec une telle insistance, cet «Autre» ne devrait normalement se situer ailleurs qu’au cœur même du récit. Or, qu’en est-il de cette question dans La vache morte du canyon ?

L’anglais et l’anglicité dans le récit

La branche littéraire de la sémiotique narrative et la théorie des mondes possibles[21] nous ont appris, depuis un certain temps déjà, que la linéarisation d’un récit est faite d’une série d’alternatives dans l’attribution des propriétés aux objets et aux êtres. Chaque propriété attribuée à un élément du récit, ferme la porte à toutes les autres propriétés concurrentes pour le même élément; François étant originaire du rang Trompe-Souris de Saint-Justin de Maskinongé ne peut plus être présenté comme cambodgien ou tchèque une fois cette propriété concernant l’origine posée. L’absence de propriétés est également significative et l’indétermi-nation presque complète dans laquelle sont laissés plusieurs êtres, lieux et objets dans La vache morte du canyon est révélatrice de sa structuration interne et d’une certaine finalité qu’il poursuit.

L’action de cette histoire se déroule presque entièrement au Canada anglais. Mais il ne s’agit ici que de la forme la plus extérieure de «l’Autre», le lieu où il se trouve. Cette anglicité qui sert de cadre à l’histoire n’en est qu’une de décor et de figuration. Que dit-on de Toronto, de Winnipeg et de Régina dans ce récit ? Strictement rien. Ce sont tout simplement des lieux par où passe François dans son périple aller-retour, à 25 ans d’intervalle, entre le rang Trompe-Souris de Saint-Justin de Maskinongé et le canyon, qui est son impossible pendant extra-territorial. L’on apprendra rien non plus de Montréal, pourtant à l’intérieur des limites du pays de François. Montréal n’est qu’une grande ville comme les autres et tout ce que l’on en sait est que François y a vécu un certain temps, qu’il y a tenu bordel et qu’il y a fait fortune. Et Calgary. C’est pourtant dans cette ville que se déroule la plus grande partie du conte. Quelle représentation l’auteur nous donne-t-il de cette ville dans son récit ?

Calgary, c’est d’abord la taverne de Siméon Désilets, un parent de François. C’est Biouti Rose, compagne francophone de Siméon, et son histoire extravagante d’Irlandaise qui a quitté son sol natal avec précipitation. C’est aussi Timire, employé de la taverne, et plus tard de la touristeroume de Biouti Rose, mais dont on ne sait rien des origines. C’est le Tchiffe, Amérindien floué et berné par les Blancs, et Églantine, sa fille, épouse silencieuse de François, dont la seule chose que nous sachions est qu’elle peut communiquer avec les animaux. Calgary, c’est aussi les servantes de la touristeroume qui ne sont jamais nommées plus précisément que par cette dénomination collective, c’est quelques employeurs de Fran-çois qui n’ont même pas de noms, l’historien académicien Ramulot et le père Jessé Crochu dont l’onomastique trahit une appartenance hybride et déchue comme celle de Frank Laterreur.

Enfin, il y a la tribu de François : son père Esdras, sa mère Victoria, dont il n’arrive à se souvenir du prénom qu’avec peine : «—… Attendez, attendez … je l’ai : Victoria!» (105), sa fille Chaouac, dont tout ce que l’on sait est qu’elle grandit, et le curé de Saint-Justin.

Il ne se trouve pas un seul véritable personnage anglais dans ce conte. En fait, les deux seuls moments où il y est fait directement référence à l’anglicité se trouvent dans des épisodes tout à fait secondaires, et sans conséquence aucune pour la progression de l’intrigue principale du récit. Le premier survient lors du mariage de François et d’Églantine par «un vicaire à cheveux carotte qui n’était pas métis pour un sous» (108), et qui «…les maria du bout du goupillon» (108), vicaire qui ne peut manquer de rappeler le Révérend Soçaurez[22]. Le second se trouve dans l’épisode vaudevillesque de la visite de l’historien Ramulot et du curé de Saint-Justin au Farouest où François confond ce dernier avec un pasteur protestant : «— Pouah, un clergimane !» (129).

En guise de conclusion

Au terme d’une communication récente portant sur l’activité de critique littéraire de Jacques Ferron, Ginette Michaud concluait son propos par ces paroles : «Oui, ce grand veilleur de notre littérature, cet éveilleur de sens critique et de doute, nous avons intérêt à notre tour à bien le veiller et à le surveiller.»[23]

En effet, la prose de Jacques Ferron demande à ses lecteurs une vigilance de tous les instants, et s’avère particulièrement redoutable dans les contes. C’est que l’auteur n’accepte jamais tout à fait telles qu’elles sont les codifications institutionnelles littéraires et langagières. Son écriture comporte presque invariablement une part de transgression, des genres, de l’utilisation du langage, des topoï romanesques, dont il finit toujours par récupérer une part à ses propres fins. Jeux d’oppositions, jeux de miroirs, chamaillage continuel avec son matériau dont les tensions souterraines résonnent en maintes saillies de la surface du texte.

Les termes francisés de Jacques Ferron présentent nez à nez le fran-çais et l’anglais, et ne peuvent manquer de rappeler la face revendicatrice du kaléidoscope de l’anglicité, celle du contentieux colonial et des comptes historiques à régler avec un occupant devenu depuis lors concitoyen. Leur densité dans La vache morte du canyon nous conduisait (légitimement) à y attendre un rôle important de la part de «l’Autre». Une analyse détaillée du récit nous démontre au contraire qu’il en est à peu près absent d’un bout à l’autre, à l’exception de sa géographie.

Feinte ferronienne. Détournement de cible et contre emploi de l’une de ses rares création langagière. Les termes francisés signalent cet «Autre» en son absence mais constituent une signature à l’intention d’un tiers. Dans un tel conte, ils ne témoignent pas d’une quelconque intériorisation de l’anglicité de la part de Jacques Ferron ni d’une forme d’expression agonale vis à vis du monde anglo-saxon. Ils forment plutôt un projecteur rhétorique ancré au plus profond du langage et servant à éclairer ce décor de carton pâte que constitue le Canada anglais dans le but, par contraste, de mieux mettre en évidence l’exclusion de François par les membres de sa propre communauté. Cette fonction du vocabulaire fran-cisé a d’ailleurs été justement évaluée par Katy Mezei dans le contexte de la traduction de ce conte par Betty Bednarski. Katy Mezei reproche en fait à la traductrice d’avoir fait disparaître toute trace de nombreux termes francisés, modification ayant pour conséquence de priver le lecteur d’une importante partie de la symbolique de la dépossession contenue dans le texte d’origine (390).

La substance migre donc de forme; ce que l’on reproche à l’anglais de l’occupation vis-à-vis des Québécois, on peut également le reprocher aux québécois d’une certaine époque vis-à-vis de leurs enfants. L’éclairage apporté par les nombreuses occurrences de mots francisés de ce texte sert à construire le pont entre les termes de cette équation, dont de nombreux destins individuels ont porté la triste marque au Québec durant la première moitié du XXe siècle. Car, si cette histoire, est bien celle de François Laterrière, elle est également, au travers lui, celle d’Alexis Labranche, personnage de Claude Henri Grignon, du Survenant de Germaine Guèvremont et d’une quantité d’autres «exilés» que la littérature québécoise a mise en scène, et continue de présenter jusque dans ses formes les plus contemporaines, comme par exemple, dans l’adaptation télévisée récente qui a été faite de l’œuvre Les tisserands du pouvoir de Claude Fournier.