Faire la vérité

INTRODUCTION. FAIRE LA VÉRITÉPerspectives bibliques, philosophiques et théologiques[Notice]

  • Mireille D’Astous,
  • Sébastien Doane,
  • Michel Gourgues,
  • Louis Perron et
  • Étienne Pouliot

À l’heure de la post-vérité, il est capital de réfléchir de nouveau à ce qui ne va plus de soi quant au vrai. Nous traversons une crise de la vérité, qui ne doit pas représenter uniquement une épreuve aux conséquences néfastes, mais constituer une chance nouvelle, une possibilité autrement assumée pour l’humanité qu’il nous reste à devenir. La couverture du New York TimeMagazine de mars 2017 portait la question en rouge sur fond noir : « Is truth dead ? », sans doute en reprise d’une couverture de 1966 demandant : « Is God dead ? » Il n’est plus facile de parler de vérité quand le président d’une des grandes puissances actuelles de ce monde traite de « fake news » le travail journalistique qui tente d’établir la vérité factuelle ou nie ouvertement et sans réserve la science quant aux changements climatiques et à ses causes humaines. Mais, faut-il le rappeler, le journalisme et les sciences cherchent la vérité en interprétant des « données » qui sont clairement le résultat de leurs méthodes, et en proposant certaines vues, qui n’en demeurent pas moins des mises en perspectives aux prétentions d’objectivité. Trop souvent, par ailleurs, la vérité fait les frais de la publicité, aujourd’hui magistralement ciblée et orchestrée. Dans cet univers obnubilant, les perceptions de la réalité sont altérées et un pouvoir d’influencer les croyances collectives et personnelles s’y exerce délibérément, sinon insidieusement. Notre rapport à la vérité change plus rapidement encore, dans un sens ou dans un autre, avec les réseaux sociaux. Une manipulation du vrai s’y opère parfois sous nos yeux, en un temps trois mouvements. Les réseaux sont capables de soumettre la vérité à des mouvements de masse et d’orienter l’opinion publique à son sujet. La comparution de Mark Zuckerberg devant le Congrès américain en avril 2018 a montré comment Facebook avait permis à des groupes d’avoir accès aux données personnelles d’une multitude pour cibler des électeurs et des électrices en leur transmettant du contenu commandité à caractère politique. Rien n’est plus équivoque que notre rapport à la vérité. Et rien n’est plus ambigu, plus difficile à élucider que la valorisation de nos vérités. Car elle est, aussi, très utile, « la vérité ». Grâce à elle, on sait (enfin !) et on applique des solutions en conséquence. Grâce à elle, on (se) justifie et on (en) fait des déclarations, voire des convictions. Grâce à elle, on (se) sécurise et on (se) console même. Peut-être faut-il, pour penser et parler en vérité, faire face aux conséquences de nos vérités-alternatives quand elles créent précisément les conditions de l’injustice et de la déshumanisation. Mais alors, étrangement, la vérité ne saurait (se) suffire (à) elle seule. Faire la vérité implique donc, aussi bien, de faire la vérité sur la vérité elle-même ; ce n’est assurément pas une mince tâche. Les théories relatives à la vérité, dont la notion même de vérité, ont évolué au cours de l’histoire. Grosso modo, la conception grecque de la vérité n’est pas celle de la modernité, tout comme la conception du vrai dans le Nouveau Testament marque une certaine avancée par rapport à celle de l’Ancien Testament et de la mythologie. Au sens strict, la notion de vérité est liée au domaine de la connaissance. Mais en un sens étendu, elle peut également s’appliquer à d’autres domaines. Elle signifie exactitude, qualité d’authenticité reconnue à telle ou telle réalité, procès/processus par lequel faire la vérité. Le spectre du vrai est étonnamment large. À l’origine du concept philosophique de vérité se trouve le projet de départager entre le vrai et le faux, entre le discours …

Parties annexes