Comptes rendus

Wim Remysen et Nadine Vincent (dir.), La Langue française au Québec et ailleurs : Patrimoine linguistique, socioculture et modèles de référence, Coll. Sprache-Identität-Kultur 12, Peter Lang Edition, Frankfurt am Main, 2016.[Notice]

  • Chantal Bouchard

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Cet ouvrage collectif est publié en hommage à Louis Mercier, lexicographe et professeur à l’université de Sherbrooke, qui a travaillé à la conception de plusieurs des dictionnaires qui décrivent le français en usage au Québec : le Dictionnaire historique du français québécois (1998), le Dictionnaire du français Plus à l’usage des francophones d’Amérique (1998), ainsi que le dictionnaire en ligne Usito (2013). Pour Louis Mercier, la description lexicographique d’une langue doit nécessairement être ancrée dans la socioculture de ses locuteurs et être élaborée à partir de celle-ci, ce qui explique que les ouvrages auxquels il a participé prônent une norme de référence endogène et visent à légitimer le standard linguistique québécois. Le français parlé au Québec a suscité bien des commentaires dès le 19e siècle, le plus souvent dépréciateurs. La création en 1902 de la Société du parler français au Canada inaugure une nouvelle approche. L’étude scientifique du français canadien doit permettre de le valoriser. Pendant plusieurs décennies, la Société a compilé des renseignements sur les usages lexicaux au Québec et publié les résultats de ces travaux dans le Bulletin du parler français au Canada. En 1930, la Société publie le Glossairedu parler français au Canada. Louis Mercier ayant numérisé et édité une partie de cette documentation et souligné sa richesse pour éclairer l’évolution du français québécois, plusieurs articles de l’ouvrage se fondent sur celle-ci. Cristina Brancaglion aborde l’apport de la SPFC à la querelle du French Canadian Patois, et montre quelle stratégie la Société adopte pour contrer la mauvaise réputation en défendant la légitimité de la plupart des canadianismes, qu’ils relèvent de la néologie ou qu’ils soient, par rapport au français normatif hexagonal, des archaïsmes ou des provincialismes. Wim Remysen, analyse la documentation de la SPFC d’un point de vue géolinguistique et quelques caractéristiques des aires linguistiques de l’Ouest, de l’Est et du Centre du Québec au tournant des 19e et 20e siècles, ce qui permet de confirmer une influence croissante de l’aire ouest et de Montréal sur les autres aires linguistiques. Karine Gauvin étudie le vocabulaire maritime dans le français du Québec et de l’Acadie. Elle montre que le développement de nouvelles acceptions décrivant des réalités terrestres se produisait déjà en France dans les provinces côtières et que le processus s’est poursuivi, et peut-être accentué en Nouvelle-France. Près de 40 % des emplois étudiés sont communs aux français québécois et acadien, ce qui amène Karine Gauvin à souligner l’ancienneté des emplois communs, qui avaient souvent déjà cours dans les parlers de France. Pierre Rézeau s’intéresse à la correspondance des soldats canadiens français de la Première Guerre mondiale. La graphie de ces textes rédigés par des gens souvent peu instruits fait apparaître toutes sortes d’indices sur la prononciation, la morpho-syntaxe et sur le lexique. Dans ce dernier cas, le vocabulaire militaire et la langue des tranchées montrent une forte influence de l’anglais, ce qui n’est guère surprenant, car l’armée canadienne était sous commandement anglais. Josée Vincent se penche sur la fabrication du Dictionnaire général de la langue française au Canada de Louis-Alexandre Belisle, paru en 1957, qui fut un immense succès commercial et fut réédité jusqu’en 1979. Il s’agit davantage d’une compilation que d’un ouvrage original, puisque Belisle reprend la nomenclature d’un abrégé du Littré, à laquelle il ajoute des entrées prises au Larousse et, pour les canadianismes, des entrées tirées pour la plupart du Glossaire du parler français au Canada. Les recherches sur la langue au Québec ont connu un essor extraordinaire au Québec dans les années 1970-1990, au cours desquelles de nombreuses équipes se sont constituées. Ce sont …