Comptes rendus

Marie-Blanche Tahon et André Tremblay (dirs), Générations, Québec, Nota Bene, 2005, 184 p.[Notice]

  • Alfred Dumais

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  • Alfred Dumais
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Au Congrès de l’ACSALF de 1999, sociologues et anthropologues avaient été conviés autour du thème des générations. Ce livre publie les travaux qui y ont été présentés par des auteurs provenant de régions différentes, tant de l’Europe que du Canada. Marie-Blanche Tahon et André Tremblay, en un très beau texte d’introduction, décrivent la contribution de chacun et la problématique qui les a réunis : « La génération est temps ; à la fois origine et terme du temps de l’humain, à la fois passage et transmission sans fin » (p. 5). Le concept de génération occupe une grande place dans la tradition sociologique, et il convient qu’à chaque époque on procède à un réexamen de ses fondements et de sa pertinence. L’ouvrage regroupe deux sortes de textes. Les premiers portent sur le statut de la sociologie comme discipline. En séances plénières, a été exprimé et discuté le point de vue de jeunes sociologues et anthropologues, et c’est en cela que la question des générations est ici abordée. Les autres textes nous transportent dans les ateliers thématiques où les participants ont exposé les résultats de leurs recherches sur le phénomène empirique des générations. La longueur des textes est inégale, allant de cinq pages jusqu’à trente, et les sujets sont très variés, d’où l’impression d’un ensemble fragmenté. Il ne faut pas voir là, bien sûr, absence d’unité. Au contraire, c’est la même réalité générationnelle qui est étudiée sous différentes facettes. Qu’en est-il du contenu ? Comment la jeune génération de sociologues et d’anthropologues perçoit-elle sa discipline ? Avec enthousiasme sans doute, mais aussi avec une certaine inquiétude. On se demande, par exemple, « en quoi l’inspiration première des fondateurs de la sociologie d’ici est en mesure de rejoindre la nôtre dans le désarroi où nous sommes quant au sort que l’avenir réserve à cette discipline » (Jean-Philippe Warren, p. 18). Ou encore, on soulève la question de l’identité : « Nous nous ouvrons à la subjectivité des acteurs – et aussi à la nôtre –, nous sommes plus prêts que les générations précédentes à accepter l’aléatoire, le paradoxal, l’inattendu. Qu’est-ce qu’un Canadien ? Qu’est-ce qu’un sociologue ? Nous n’en savons rien » (Victor Armony, p. 34). On émet également des réserves sur la validité de la démarche scientifique que prônent ses maîtres au point d’arriver à conclure : « … je suis incapable de produire du savoir empirique et, par conséquent, du savoir empirique anthropologique » (Florence Piron, p. 44). Malgré tout cet inconfort, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter : « […] je crois qu’aujourd’hui, ma discipline commence à assumer le caractère unitaire de cet ensemble (que sont méthodes, objets d’étude, théories). Il me semble donc qu’elle a beaucoup progressé entre le temps où j’ai été étudiant et maintenant » (Simon Laflamme, p. 31). Voilà en quelques mots résumée la première partie de l’ouvrage. La deuxième partie donne la place aux thèmes qui ont été traités en ateliers. C’est là que l’on trouve l’analyse proprement dite du phénomène des générations, à laquelle s’ajoute une réflexion théorique sur sa nature véritable. Sur ce point, le texte de Jacques Hamel et de Bjenk Ellefsen, particulièrement éclairant, rappelle les définitions usuelles qui ont associé le concept de génération à une classe d’âge ou à un « rang hiérarchique dans l’arbre généalogique » (p. 78) et il propose d’en élargir le sens pour en faire une « tranche d’histoire sociale » (p. 77). Prenant à témoin leurs travaux sur les baby boomers et les babybusters, les auteurs montrent combien peuvent être opposées les caractéristiques de deux générations qui …