Comptes rendus

Micheline Labelle et François Rocher (dirs) avec la collaboration de Ann-Marie Field, Contestation transnationale, diversité et citoyenneté dans l’espace québécois, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2004, 223 p.[Notice]

  • Diane Lamoureux

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  • Diane Lamoureux
    Département de science politique,
    Université Laval.

Le projet de recherche qui est à l’origine de cette publication visait à « analyser les effets de la mondialisation sur les nouveaux enjeux et les stratégies des organisations québécoises de défense des minorités ethniques et racisées, des femmes et des nations autochtones, dans le contexte national et international » (p. 3), de même que la façon dont les groupes québécois actifs dans ces domaines évaluent leur influence sur la gouverne politique. L’essentiel des données servant à l’analyse proviennent d’entrevues en profondeur auprès de soixante membres d’ONG impliquées dans ces secteurs. L’hypothèse qui soutient la recherche est que « l’action transnationale, pour la plupart des groupes retenus, vise d’abord et avant tout les autorités politiques à l’échelle locale et nationale. L’activité transnationale est un instrument pour faire avancer les revendications des groupes minoritaires au sein de territoires nationaux qui n’ont pas perdu leur pertinence, en dépit de la globalisation des espaces sociaux et publics » (p. 7). L’ouvrage se divise en quatre chapitres. Le premier porte sur la contestation transnationale d’acteurs non étatiques. Les trois autres proposent des analyses de cas sur les minorités ethniques et racisées, les groupes de femmes et les nations autochtones. Soulignons d’emblée que les études de cas ne sont pas toutes organisées de la même manière, ce qui rend difficiles comparaison et généralisation, et que l’articulation entre données empiriques et réflexion analytique est très variable d’un chapitre à l’autre. Chalmers Larose effectue une bonne revue de littérature portant à la fois sur la contestation transnationale et sur la transformation du champ des relations internationales que cela induit. Larose s’interroge, dans un premier temps, sur l’action transnationale et sur l’idée d’une société civile transnationale, sur lesquelles il met toutes sortes de bémols, mettant en doute une citoyenneté mondiale qui minerait l’ancrage territorial de la citoyenneté du fait des impératifs sécuritaires qui animent le monde de l’après 11 septembre 2001 (p. 13). Pour Larose, l’argument de la société civile transnationale témoigne « d’une certaine propension à surévaluer l’extension globale des flux transnationaux et à sous-estimer le rôle de l’État-nation dans la politique transnationale (p. 28). Son principal argument repose sur le fait que « [m]algré la rhétorique orthodoxe néolibérale entourant la libre circulation des biens et des services, pierre angulaire de l’idée de la mondialisation des marchés, le libéralisme économique n’est pas encore parvenu à s’accommoder de la mouvance globale en faveur de la libre circulation des personnes » (p. 31) et il montre que cette disjonction s’est encore accentuée dans le sillage de la « lutte anti-terroriste » et du primat sécuritaire qui l’accompagne, allant même jusqu’à restreindre les libertés publiques « internes », ce qui rend encore plus problématique l’action transnationale des mouvements sociaux. Micheline Labelle, François Rocher et Ann-Marie Field prennent le contre-pied des discours sur les villes cosmopolites ou les mouvements diasporiques qui émaillent les cultural studies et les post-colonial studies. Leur étude montre que la capacité des organisations des minorités culturelles et racisées à se déployer sur la scène internationale varie énormément. De la même façon, le registre des pratiques transnationales des membres de ces organisations est très étendu et recèle des significations différentes. « Les transferts de devises, de biens de consommation et d’investissement vers les pays d’origine sont massifs et représentent souvent des valeurs supérieures au budget national des pays d’émigration. Les activités politiques visent à influer, dans les sociétés d’accueil, sur l’accès ou l’exercice des droits de citoyenneté (emploi, éducation, politiques d’immigration, antiracisme, protection culturelle, accommodements religieux) et, dans les pays d’origine, sur les processus politiques de coopération, de démocratie, d’autodétermination, etc. » (p. 50). Les auteurs ne …