Comptes rendus

Mario Polèse et Richard Shearmur avec la collaboration de Pierre-Marcel Desjardins et Marc Johnson, La périphérie face à l’économie du savoir. La dynamique spatiale de l’économie canadienne et l’avenir des régions non métropolitaines du Québec et des provinces de l’Atlantique, Montréal, INRS Urbanisation, Culture et Société / Institut canadien de recherche sur le développement régional, 2002, 237 p. (Régions et économie du savoir.)[Notice]

  • Marc-Urbain Proulx

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  • Marc-Urbain Proulx
    Département des sciences humaines
    Université du Québec à Chicoutimi

Les auteurs ont effectué une première interprétation de base fort intéressante de données saisies et traitées par Statistique Canada en fonction du modèle auréolaire classique bien connu en économie urbaine et, par extension, en économie régionale. La banque de données pancanadiennes désormais disponible à Polèse et Shearmur représente à elle seule un apport considérable. Le diagnostic général est rigoureux. L’interprétation des données s’avère d’une excellente qualité technique. Le rapport est d’une bonne qualité pédagogique qui, malgré sa rigueur scientifique, le rend accessible à la vaste sphère des acteurs sur le terrain du développement local et régional. L’analyse effectuée livre plusieurs résultats intéressants qui constituent avec bonheur un ensemble très bien ficelé de faits pertinents sur l’objet d’étude. Nous en résumons ainsi les principaux points : Selon l’hypothèse centrale des auteurs, la mutation vers l’économie du savoir est importante actuellement et ne se fera en périphérie qu’en trouvant un nouvel équilibre avec une population inévitablement plus faible, quelle que soit la politique publique pour soutenir et encadrer la transition. On peut formuler quelques réserves sur le rapport, qui frappe par son absence de discussion méthodologique. Le lecteur a l’impression, sûrement à tort, que les auteurs considèrent qu’il n’y a qu’une méthode possible, un seul modèle offert par la littérature scientifique et un découpage unique possible de leur univers de recherche. Pourtant, on sait qu’il existe plusieurs modèles d’analyse spatiale. Certains s’avèrent plus universels que d’autres bien sûr, comme les modèles du système urbain, du district industriel ou de la région économique idéale. D’autres sont plus récents tout en étant fort prometteurs comme le système local de production ou celui du bassin d’emplois. Quelle que soit leur qualité, il est largement reconnu que peu de modèles s’appliquent universellement sans tenir compte des caractéristiques des régions et localités. En Amérique du Nord les mouvements spatiaux sont en effet encore très importants à notre époque, faisant ainsi apparaître des renversements hiérarchiques, des repositionnements de pôles, des répulsions et des attractions fortes, des déprises et des concentrations plus ou moins radicales, des rayonnements accrus des centres urbains et des localisations d’activités en des endroits hier imprévisibles. L’est du Canada qui représente en fait une portion de la périphérie éloignée de la mégalopole New York, fait partie intégrale de cet espace mouvant qui a vu, sur un peu plus d’un siècle, non seulement son principal pôle passer de Québec à Montréal et ensuite à Toronto, mais aussi émerger récemment de nouveaux territoires comme Madawaska, la Beauce, les Bois-Francs, et décliner d’autres territoires comme la Basse-Mauricie, le Saguenay, la moyenne Côte-Nord. Si le modèle auréolaire classique utilisé par les auteurs reste fort valable, l’utilisation de modèles alternatifs qui ont fait leurs preuves en Amérique – le modèle mercantile de Vance (1970) et son application par Claval (1989) – aurait, à notre avis, offert une explication pertinente sur les forces, les faiblesses et les tendances de l’espace économique canadien. L’exercice de modélisation plurielle aurait, en outre, été encore plus pertinent s’il ne s’était pas confiné à la période 1971-1996 caractérisée par un seul cycle structurel, embrassant une période historique de plusieurs cycles longs. Le découpage spatial utilisé par les auteurs représente aussi un choix méthodologique critiquable. L’échelle d’observation spatiale est un enjeu important dans la mesure où, en général, plus cette échelle est grande et moins les mouvements spatiaux sont distincts. Le modèle auréolaire aurait donné des résultats différents s’il avait été appliqué à partir de New York ou Los Angeles, pôles continentaux centraux depuis le traité de l’ALENA. Le modèle d’analyse aurait produit des interprétations plus diversifiées si les découpages statistiques par couronnes avaient été plus finement …

Parties annexes