Comptes rendus

Le cinéma populaire français et ses musiciens, dirigé et édité par Philippe Gonin et Jérôme Rossi, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2020, 374 pages[Notice]

  • Pierre Lavoie

L’ouvrage collectif Le cinéma populaire français et ses musiciens vise à rendre hommage à un sujet qui, selon ses directeurs et éditeurs Philippe Gonin (Université de Bourgogne) et Jérôme Rossi (Université de Nantes), a été laissé pour compte par la recherche universitaire. Ses objectifs principaux sont de prendre la mesure du rôle joué par les musiciens du cinéma français dans la popularité des films, ainsi que de revenir sur des partitions qui ont été boudées par les musicologues parce que leur ancrage filmique a été perçu comme un simple divertissement. Les deux musicologues consacrent une grande part de l’introduction à la contextualisation des différentes définitions du populaire au cinéma et en musique, s’intéressant autant à ses déclinaisons quantitatives (succès commercial) que qualitatives (appartenance et représentation de classe sociale). Les 14 auteur·rice·s du collectif naviguent d’ailleurs entre ces deux pôles dans leurs chapitres respectifs, en les associant avec des problématiques liées à la commercialisation des arts ou en s’intéressant à des artistes dont la production prenait en compte les goûts du public, ou encore dont les oeuvres visaient à représenter les réalités de la vie des classes populaires. Le propos se partage en trois parties. La première, intitulée « Au coeur des partitions de films populaires » (p. 21-160), comprend une série d’études de cas qui mettent en valeur le travail des compositeurs pour des films « promis à être populaires » (p. 10). La deuxième, « Chanteurs et chansons populaires » (p. 161-240), offre une plongée dans l’histoire de l’utilisation de la chanson dans les films. La dernière partie, « Expérimenter dans le cinéma populaire ? » (p. 241-324), réunit un ensemble de textes visant à démontrer les qualités avant-gardistes de compositeurs et de réalisateurs associés à des formes artistiques populaires. Gonin ouvre la marche en consacrant son texte à la musique de Paul Misraki dans Ali Baba (1954) de Jacques Becker (p. 23-66). En plus de se livrer à des analyses de partitions inédites du compositeur, qui permettent entre autres de révéler les procédés d’orientalisation du film par la musique, l’auteur montre bien comment les enjeux créatifs (intention du compositeur) et commerciaux (commandes du réalisateur et de l’acteur-chanteur-vedette) se croisent et se confrontent en cours de production du film, générant des frictions entre les impératifs de l’art et ceux du commerce. Florian Guilloux s’intéresse pour sa part à Michel Magne, musicien le plus sollicité du cinéma français des années 1960, mais peu étudié en raison de sa production jugée peu sérieuse en regard des films et des musiques de la Nouvelle vague (p. 67-87). Contrairement à Gilles Mouëllic (2000, p. 83 et 85), Guilloux n’attribue pas la prédilection de Magne pour le jazz et le rock à de simples effets de mode, mais à une affaire de goût, vraisemblablement partagée par le réalisateur Georges Lautner. L’auteur nuance la simplicité du langage musical de Magne en l’analysant à la lumière de son inventivité ; ses partitions servent toujours admirablement le propos filmique. Sylvain Pfeffer se concentre ensuite sur un cas de figure singulier, celui de la musique de Raymond Lefèvre dans Jo (1971) du réalisateur Jean Girault (p. 89-102). Il compare le rapport musique-image présent dans le film avec les autres collaborations des deux artistes. L’auteur base son choix sur l’originalité de la partition en regard du reste de la production du compositeur, notamment pour la série des Gendarmes où Louis de Funès est aussi la vedette. Pour Pfeffer, cette partition se démarque notamment en étant moins illustrative, ce qui contribue grandement à l’ambiance de polar du film. Il s’agit aussi d’une partition charnière en ce qu’elle annonce une période …

Parties annexes