Comptes rendus

The Beatles 1969. De l’autre côté de la rue..., de Philippe Gonin[Notice]

  • Sophie Renaudin

En 2019, 50 ans après la parution du onzième album des Beatles intitulé Abbey Road, Philippe Gonin s’immisce dans l’intimité du studio de la célèbre rue de Londres et s’intéresse aux processus de création du groupe qui a révolutionné l’histoire de la musique pop. Comme pour plusieurs de ses ouvrages précédents, sa démarche consiste à décortiquer les phases d’élaboration et de réflexion d’un album considéré comme culte. Ces dernières années, Gonin a affirmé sa place de spécialiste du rock des décennies 1960-1980 en France et à l’étranger en consacrant ses recherches à des groupes tels que Pink Floyd ou The Cure et en publiant des ouvrages originaux sur des albums figurant dans le classement des disques les plus vendus de tous les temps. Il a notamment fait paraître aux éditions Le mot et le reste (Marseille) trois études respectivement consacrées aux albums des Pink Floyd The Wall (2015), The Dark Side of the Moon (2018) et Wish You Were Here (2020). Il a également écrit, dans la collection Discogonie de l’éditeur Densité (Rouen, 2014), une analyse de Pornography, le quatrième album de The Cure. Dans ses recherches, Gonin, par ailleurs maître de conférence en musicologie à l’Université de Bourgogne, réfléchit à la méthodologie la plus appropriée à l’étude des musiques dites populaires. Ses ouvrages peuvent être ainsi perçus comme autant de contributions au développement d’une « musicologie pour les musiques amplifiées » : tel est, par exemple, l’objectif affiché de Focus sur le rock en France (2014) qui réunit les actes de plusieurs colloques de l’Université de Bourgogne consacrés à l’étude des musiques populaires. Sur ce sujet, l’auteur condamne deux travers de l’analyste. Le premier consisterait à travailler sur les musiques populaires à partir d’une approche exclusivement sociologique, reproche notamment adressé aux chercheurs par le sociologue Simon Frith dans son article « Towards an aesthetic of popular music » (1987). Ce dernier plaide pour une analyse esthétique de ce répertoire qui prendrait en compte la manière dont la musique construit l’expérience d’écoute et façonne certaines catégories de nos jugements de goût (« l’authenticité » dans la culture rock, par exemple). Le second travers observé par Gonin serait la tendance, dans le champ académique de la musicologie, à utiliser des outils d’analyse musicale inappropriés à la nature des oeuvres populaires. Il souligne ainsi la nécessité de concevoir des outils spécifiques, distincts de ceux employés pour l’analyse du répertoire savant, afin de saisir avec exactitude la nature complexe d’une oeuvre enregistrée et produite. C’est à partir de ces considérations que Gonin consacre un premier ouvrage à un des groupes les plus écoutés de tous les temps. The Beatles 1969, publié en 2019 dans la collection Essais des Éditions Universitaires de Dijon, répond alors à plusieurs objectifs : proposer une étude d’un corpus qui remédie aux faiblesses observées dans l’analyse musicologique des musiques enregistrées, célébrer le 50e anniversaire d’une date aux significations multiples et, peut-être avant tout, raconter avec une légèreté qui n’enlève rien à la précision et à la rigueur du style du chercheur, l’histoire d’un groupe apprécié et estimé de l’écrivain. Pourquoi 1969 ? Gonin nous rappelle que cette date clé correspond, d’une part, à l’année « où les dés sont bels et bien jetés » (p. 6) en ce qui concerne la séparation des Fab Four, et, d’autre part, à la sortie d’Abbey Road, considéré par l’auteur comme le « meilleur album » du groupe, tant d’un point de vue « musical que sonore » (p. 7). Dans un format synthétique qui compte à peine plus d’une centaine de pages, Gonin nous conte ainsi l’aventure des Beatles …

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