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Syndicalisme et santé au travail, dirigé par Lucie Goussard et Guillaume Tiffon (2017) Vulaine-sur-Seine, France : Éditions du Croquant, 275 pages. ISBN : 978-2365-1210-40[Notice]

  • Geneviève Baril-Gingras

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  • Geneviève Baril-Gingras
    Professeure titulaire, Département des relations industrielles, Université Laval, Québec, Canada

Cet ouvrage, publié sous la direction de Lucie Goussard et Guillaume Tiffon, tous deux maîtres de conférences en sociologie au Centre Pierre Naville de l’Université d’Évry (France), traite d’un sujet étonnement sous-étudié. En effet, la recherche dans le domaine des relations industrielles reproduit généralement la division artificielle opérée dans les politiques publiques entre celles qui régissent les relations de travail et les conditions d’emploi telles la rémunération et le temps de travail (au Québec, les normes minimales de travail) et celles qui sont étiquetées « santé et sécurité du travail », alors que l’ensemble est totalement interrelié dans l’expérience individuelle et s’associe, à l’échelle sociale, pour construire (ou déconstruire) les inégalités en matière de santé. De fait, derrière nombre de mobilisations actuelles, que ce soit autour de la surcharge de travail des infirmières, des horaires de travail un peu partout, ou pour les 5-10-15 : 5 (jours à l’avance pour connaître son horaire), 10 (jours de congé payés pour maladie ou responsabilités familiales), 15 ($ de l’heure), etc., se trouvent, en fait, des enjeux de santé. La préface de Jean-Pierre Durand situe brillamment la problématique dans l’histoire du syndicalisme : alors que la réduction des heures de travail a été l’une des premières luttes ouvrières, le syndicalisme des Trente Glorieuses a généralement visé à compenser les conditions de travail délétères par des augmentations salariales et l’indemnisation des accidents (et, avec beaucoup moins de succès, des maladies professionnelles). Or, ce problème est ressurgi au cours de la décennie 1970 à l’occasion de ce que l’auteur nomme la « crise du travail simple » : « c’est-à-dire le refus de se mobiliser dans un travail routinier et monotone sans perspective de carrière pour la majorité des ouvriers ». L’ouvrage souhaite faire le point sur « un moment crucial de l’histoire du syndicalisme, sur la façon dont ce dernier traite la question de la santé au travail » (p. 14). Il pourra rejoindre tant les militants qui cherchent à donner une réponse collective à la détresse des salariés, que les chercheurs qui souhaitent comprendre les mobilisations qui (re)font surface aujourd’hui, et ce, sous deux aspects, leur potentiel pour améliorer les conditions de travail au quotidien et leur possible contribution à la revitalisation du syndicalisme. L’introduction situe clairement les questions traitées dans cet ouvrage collectif : Comment les organisations syndicales s’emparent-elles de la santé au travail ? Par quelles actions, à quel niveau, auprès de qui, comment transforment-elles les plaintes individuelles en action collective ? Quelles revendications porte-t-elle sur le travail, son organisation et ses finalités elles-mêmes ? (p. 15-16). L’ouvrage regroupe les savoirs accumulés sur le sujet tant chez les syndicalistes que chez les chercheurs et les « experts CHSCT » (Comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail), figures propres au modèle français de santé au travail. Il est cohérent et ses sections bien articulées; les contributions couvrent une diversité de secteurs d’activité, tout comme les grandes composantes du mouvement syndical français, et divers points de vue y sont exprimés. Loin d’une vision étroitement technique des problèmes de santé au travail, l’approche retenue par Lucie Goussard et Guillaume Tiffon montre que « ce qui se joue [aujourd’hui], en fin de compte, c’est une lutte des classes aux formes renouvelées, plus institutionnalisées et réglementées, plus feutrées et aseptisées que par le passé, mais dont la violence demeure » (p. 16). L’ouvrage est divisé en six parties. La première examine les transformations du travail et leurs effets sur la santé des salariés, ainsi que le contexte que crée, pour l’action syndicale, l’individualisation et la psychologisation du travail. Danièle Linhart met en évidence le rôle que …