RecensionsBook Reviews

Discrimination et obligation d’accommodement en milieu de travail syndiqué par Christian Brunelle, Cowansville : Éditions Yvon Blais, 2001, 482 p., ISBN 2-89451-473-5.[Notice]

  • Michel Coutu

…plus d’informations

  • Michel Coutu
    Université de Montréal

Christian Brunelle, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, vient combler un vide doctrinal majeur du droit québécois du travail en livrant une étude d’ensemble de la question de l’obligation d’accommodement en milieu de travail syndiqué. Il s’agit d’un travail très impressionnant, appuyé sur une recherche documentaire très complète et portant un regard approfondi, exempt de lacune, sur un sujet fort complexe et en constante évolution. Le tout se caractérise au surplus par la logique de la construction et la précision et l’élégance de l’expression, à l’instar des textes antérieurs de l’auteur. L’ouvrage se divise en deux grandes parties, consacrées l’une au développement du principe de non-discrimination dans les rapports collectifs de travail, l’autre à la recherche d’un équilibre entre l’obligation d’accommodement et les principes sous-tendant le droit des rapports collectifs de travail. Ces deux grandes parties sont précédées d’un titre préliminaire, exposant dans une perspective historique le cadre juridique de la négociation collective en droit du travail nord-américain. Dans une large mesure, c’est le conflit entre deux logiques de prime abord contradictoires, entre deux cultures juridiques comme le souligne l’auteur — celle du droit du travail et celle des droits et libertés de la personne — qui constitue le fil conducteur sur lequel s’élabore l’étude de Christian Brunelle. Ce conflit se traduit, du point de vue de la concrétisation du droit à la non-discrimination, par l’apparition successive de deux processus distincts d’atteinte du droit à l’égalité : d’une part, le devoir de représentation, apparu aux États-Unis dans le contexte de la discrimination raciale mais totalement indifférent, du moins explicitement, aux valeurs spécifiques qui caractérisent les droits et libertés de la personne ; d’autre part, les lois relatives aux Civil Rights ou aux droits et libertés de la personne, d’une tout autre portée, qui vont bien au-delà de l’exigence d’une simple égalité formelle (impliquant l’absence d’un comportement intentionnel malicieux ou arbitraire) pour s’attacher à l’atteinte, suivant l’auteur, d’une égalité réelle (c’est-à-dire, dans toute la mesure du possible, une égalité de fait). L’obligation d’accommodement, un concept issu lui aussi du droit américain, représente l’une des normes les plus importantes visant à réaliser ce dernier objectif. Dans cette première partie, l’auteur s’attache à démontrer que le devoir de représentation, fondé sur la logique du droit du travail, n’a contribué que très modestement à la reconnaissance du droit à l’égalité dans les rapports collectifs de travail, au point qu’il dit croire « que la protection dispensée par les codes du travail est sérieusement menacée de désuétude » (p. 153). Ceci paraît évident si l’on tient compte de la grande latitude que concède la jurisprudence à l’agent négociateur du point de vue du devoir de représentation. Alors que la perspective est pratiquement à l’opposé en matière de libertés et droits de la personne, en sorte que « les chartes et lois sur les droits de la personne ont le potentiel de réduire comme peau de chagrin la marge de manoeuvre traditionnellement reconnue à l’agent négociateur syndical » (p. 167). La seconde partie de l’ouvrage s’attaque au problème crucial de la portée et des limites, sous l’angle de la contrainte excessive, de l’obligation d’accommodement en milieu de travail syndiqué. L’auteur reconnaît certes qu’il s’agit là de notions floues et rappelle les critiques habituelles que la doctrine adresse aux standards généraux (perte de la prévisibilité et de la cohérence du droit, subjectivisme par intervention des valeurs du juge, etc.). Il estime cependant que la flexibilité du droit est préférable à la détermination préalable de critères rigides d’application. Christian Brunelle s’attache, dans cette perspective, à circonscrire des éléments susceptibles de guider l’évaluation du caractère excessif …