Comptes rendus

Susan Faludi The Terror Dream : Fear and Fantasy in Post-9/11 America. New York, Metropolitan Books/Henry Holt and Company, 2007, 351 p.[Notice]

  • Francis Dupuis-DÉri

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  • Francis Dupuis-DÉri
    Université du Québec à Montréal

Susan Faludi s’est d’abord fait connaître, au début des années 90, par la publication de son ouvrage Backlash : la guerre froide contre les femmes. Elle analysait alors les diverses formes que prenait le « ressac » contre les femmes et le féminisme aux États-Unis, en particulier dans la culture populaire. Le discours du ressac véhiculait l’idée que le féminisme avait eu des conséquences néfastes sur les femmes, épuisées par la double tâche et surtout malheureuses d’être – disait-on – sans époux ni enfants. Selon Faludi, « la revanche n’est pas déclenchée par un accès réel des femmes à l’égalité, mais par le fait qu’elles ont de sérieuses chances d’y parvenir. Le coup d’arrêt est préventif. Il vise à les empêcher d’atteindre la ligne d’arrivée » (p. 25). Cela dit, Faludi précise que « les catastrophes imputées au féminisme ne sont que des inventions. De la “pénurie d’hommes” à “l’épidémie d’infécondité” en passant par la “déprime”, cette prétendue crise de la condition des femmes » reste un discours (p. 19). Faludi a surpris plus d’une personne, en 2000, en signant Stiffed : The Betrayal of the American Man. Dans ce livre, elle analyse une certaine crise de la masculinité, provoquée par de profonds bouleversements socioéconomiques et par des renversements symboliques, comme le passage de l’image du père-soldat-victorieux après la Seconde Guerre mondiale à l’image du fils-soldat-vaincu au Vietnam. En conclusion, Faludi propose que les « jeunes hommes en colère » se constituent en mouvement social, non pas pour s’opposer au féminisme, mais pour regagner leur dignité et leur estime d’eux-mêmes. Avec son nouveau livre, The Terror Dream, Faludi renoue avec une perspective explicitement féministe, tout en combinant en quelque sorte les préoccupations de ses deux premiers ouvrages. Elle procède à une analyse critique des discours sexistes produits et diffusés à la suite de l’attaque aérienne menée contre les États-Unis le 11 septembre 2001. Cette attaque a permis d’accentuer la poussée du ressac contre le féminisme et les femmes émancipées, tout en produisant des modèles d’hommes héroïques. En d’autres mots, aux États-Unis en guerre, les hommes se sont vu attribuer le rôle de héros sauveurs et protecteurs, et les femmes, le rôle de victimes devant être protégées ou sauvées. Pourtant, Faludi rappelle que les victimes de l’attaque étaient en grande majorité (soit les deux tiers) des hommes « et la plupart des femmes travaillant dans des bureaux du World Trade Center se sont sauvées elles-mêmes (comme leurs collègues masculins) en descendant les escaliers avec leurs propres pieds » (p. 5). Toutefois, dans la plupart des représentations visuelles médiatiques, les victimes avaient des visages de femme. En bref, le 11 septembre a été l’occasion de réaffirmer la différence inégale des rôles selon le sexe. Dans cet ouvrage, Faludi reprend son approche habituelle, soit l’étude de la culture populaire. Elle analyse les discours des émissions de télévision et des journaux et magazines et procède à des entrevues avec quelques personnes au parcours significatif, le tout dans le contexte d’une discussion des archétypes historiques de la culture américaine. Faludi offre de très nombreux exemples pour illustrer sa thèse de façon convaincante. Prenons le cas de l’héroïsation des fameux pompiers. Faludi note qu’ils ont procédé à bien peu de sauvetages, mais que 343 d’entre eux sont morts inutilement, en raison d’un équipement de communication (radio) défaillant qui les empêchait d’entendre les ordres d’évacuation (une information que la Ville de New York a dissimulé pendant de longues années). De plus, Faludi précise que New York a l’un des corps de pompiers le plus sexiste du pays, avec seulement 0,3 % de femmes dans …

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