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Les féminismes : histoires, acquis et nouveaux défis[Notice]

  • Diane Lamoureux

À une époque où trop de commentatrices et de commentateurs de la scène sociale s’efforcent d’enterrer le féminisme, la tentation était trop grande d’en rappeler l’existence et la vitalité pour que nous puissions marquer notre résistance à l’air du temps. En effet, il semblerait que l’un des destins du féminisme soit de prouver son existence et sa pertinence devant la masse croissante de ceux et celles qui voudraient – un peu trop prématurément – l’ensevelir. Ce n’est malheureusement pas un phénomène récent et cet empressement des spécialistes de l’embaumement sévit depuis le début du siècle, comme le soulignait Bard (1999) et n’épargne même pas les féministes elles-mêmes. Il importe en effet de rappeler que, au moment où elle écrivait Ledeuxième sexe, Simone de Beauvoir (1949) signait l’acte de décès du féminisme, en soulignant que, après l’obtention du droit de vote et des transformations législatives quant au droit du mariage, celui-ci deviendrait vite obsolète et ne nécessiterait plus de mobilisations. Et pourtant… Aujourd’hui, alors qu’il est question de postféminisme, quand un parti de droite comme l’Action démocratique du Québec (ADQ) brandit à des fins xénophobes le drapeau de l’égalité entre les femmes et les hommes comme élément fondamental des « valeurs québécoises », quand le même thème est utilisé ad nauseam par des personnes qui n’ont jamais levé le petit doigt pour que puisse advenir cette fameuse égalité entre les sexes, il importe de se demander ce qu’est le féminisme devenu, et surtout où il est susceptible d’aller. Si Dale Spender (1983) a cru nécessaire de rappeler qu’il y avait toujours eu un mouvement féministe au XXe siècle et si d’autres ont pu soutenir que le XXe siècle serait le siècle des femmes, ou encore que « la femme est l’avenir de l’homme », qu’en est-il aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle, où le féminisme aurait fait son temps, où le discours (néo)libéral sur les inégalités de genre a remplacé celui de la discrimination systémique à l’égard des femmes puisque les structures sociales n’existeraient plus, et où les seules femmes qui resteraient à libérer seraient les « femmes du tiers-monde », plus particulièrement les femmes musulmanes? Dans certains cas, on se propose donc de les « libérer » en leur proposant des microcrédits qui accroissent leur solvabilité et leur permettent de s’insérer de manière subalterne dans le monde (néo)libéral; dans d’autres cas, la subtilité n’est pas de mise et on leur envoie carrément des armées, pour « construire la démocratie » et dévoiler les femmes, comme cela a été le cas récemment en Afghanistan et en Irak. Longtemps limité au monde occidental, le féminisme s’est rapidement répandu sur l’ensemble de la planète. Il est certes possible d’évoquer la mondialisation, le rôle de l’Organisation des Nations unies (ONU) et des organisations non gouvernementales (ONG), ou même l’impérialisme occidental pour expliquer ce phénomène. On pourrait aussi plus prosaïquement invoquer le fait que partout les femmes sont « les prolétaires des prolétaires » ou le caractère international du patriarcat. Ce serait cependant faire l’impasse sur la capacité d’action des femmes et de leur accession à travers le féminisme – mais pas seulement par son intermédiaire – à un statut d’actrices sociales qui, en lui-même, opère une transformation fondamentale dans les rapports entre les sexes. Les féminismes se sont donc développés de manière protéiforme et dans des lieux et milieux si divers qu’il est impossible d’en produire une liste exhaustive. Il serait certes possible de distinguer un certain nombre de courants idéologiques, de préciser des enjeux de regroupement, d’opérer un recensement des groupes de femmes, de produire la liste …

Parties annexes