Musées et Premiers PeuplesMarie-Paule Robitaille, portrait et itinéraire d’une conservatrice engagée[Notice]

  • Laurent Jérôme et
  • Carole Delamour

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  • Réalisée par
    Laurent Jérôme

  • Retranscrite par
    Carole Delamour

Entrevue avec Marie-Paule Robitaille. Conservatrice, responsable des collections autochtones du Musée de la civilisation (Québec) de 1988 à 2016

Laurent Jérôme — Marie-Paule, vous êtes actuellement à la retraite depuis 2016, une retraite très active après avoir travaillé pendant près de trente ans comme conservatrice responsable des collections autochtones du Musée de la civilisation de Québec. Dans un premier temps, j’aimerais revenir sur votre formation et sur vos débuts dans ce travail que vous avez réalisé pendant toutes ces années. Qu’est-ce qui vous a donné la piqûre ? Comment se sont faits les premiers contacts avec le domaine de la conservation et, plus particulièrement, avec les questions relatives aux Premiers Peuples ? Marie-Paule Robitaille — Très jeune, j’ai fait beaucoup de lectures qui touchaient à l’histoire, qui montraient les traces du passé, les objets, l’archéologie, etc. D’ailleurs, je voulais devenir archéologue quand j’étais jeune, disons quand j’avais 14-15 ans, au Manitoba. Aussi, mon père nous éveillait, moi et mes deux frères, à toutes sortes de propos du genre. Lui était mécanicien. Il lisait énormément et se passionnait pour ce type d’affaires. Il nous faisait découvrir des coins de pays isolés, des endroits qui nous intriguaient. C’était toujours l’aventure et il y avait très souvent une connexion historique. En ville, il nous faisait visiter le petit musée du Magasin Hudson’s Bay, au centre-ville de Winnipeg. À l’occasion, on passait voir l’exposition d’objets autochtones et de sciences naturelles au sous-sol de l’Auditorium de Winnipeg. C’est cette collection qui deviendra le fond principal du Musée du Manitoba en 1967. Il y avait cette sorte d’étincelle en plus qui nous plaisait dans ces sorties. Le simple fait d’avoir grandi à Winnipeg, où la présence autochtone a toujours été très forte, a certainement contribué à ma prise de conscience quant au sort des Autochtones. J’ai été élevée dans le quartier Nord de Saint-Boniface où habitaient de nombreuses familles métisses, à une centaine de mètres du lieu de naissance de Louis Riel. C’est tout un amalgame absolument supersonique d’éveil et d’appartenance que j’ai connu très jeune. J’ai fini mon secondaire dans un temps où on allait vers des études universitaires. Autrement, on faisait les arts ménagers pour devenir une bonne mère de famille. C’était bien beau, mais ce n’est pas ce que je cherchais sur le coup [rires]. J’ai commencé mes études universitaires près de chez moi, au Collège Saint-Boniface, qui est maintenant devenu l’Université de Saint-Boniface. J’ai fait une double majeure en histoire puisque le choix de cours en anthropologie n’y était pas. J’ai quand même suivi le quasi seul cours d’anthropologie qui s’y donnait et j’ai accroché. À cette époque, les jeunes de langue française du Manitoba s’impliquaient vraiment très activement dans le milieu culturel. On s’affirmait par rapport aux droits linguistiques. J’étais un peu dans cette vague motivante, mais sans me limiter au cadre universitaire. Il y avait de nombreuses opportunités d’emploi dans les années 1970, alors j’en ai vite profité. Je devais avoir dix-huit ans quand j’ai commencé à me rendre dans le Nord. Dès que je suis sortie du secondaire, j’ai eu l’occasion de travailler au Summer Enrichment Program du ministère de l’Éducation du Manitoba. Ce programme, qui s’adressait aux écoliers des communautés autochtones, était dirigé par Ovide Mercredi qu’on a ensuite connu comme Grand Chef de l’Assemblée des Premières Nations du Canada. Le personnel recruté était plutôt jeune, et surtout autochtone. C’est ce qui m’a fait connaître des dizaines de communautés « fly-in », à savoir des communautés qu’on rejoignait qu’en avion de brousse, en Beaver, en Twin Otter. Aux deux semaines, pendant environ trois ans, je partais dans une communauté lointaine différente. Je demeurais dans des familles eeyou (Crie, ou ojibwé-Crie) une fois rendue dans la …

Parties annexes