Comptes rendus

Les femmes autochtones dans l’espace public mexicain, Marie-Josée Nadal. Presses de l’Université Laval, Québec, 370 p., 2021[Notice]

  • Mélisande Séguin

…plus d’informations

  • Mélisande Séguin
    Doctorante en science politique, Université d’Ottawa

Dans son ouvrage Les femmes autochtones dans l’espace public mexicain, Marie-Josée Nadal aborde les différentes façons dont se déploie le sujet « femme autochtone » dans la sphère publique mexicaine. Elle définit cet espace comme une « construction sociale hiérarchisée, lieu d’interactions sociales, de confrontation et de débat public où se concrétisent les rapports de pouvoir et de domination entre acteurs différents » (2). Nadal examine ainsi les modes de légitimation et de reconnaissance des femmes autochtones en tant que nouvelles actrices dans la sphère politique mexicaine ainsi que la citoyenneté sur le plan relationnel (7). Pour ce faire, l’autrice se concentre sur les espaces économique et politique mexicains de 1986 à 2010, période où les institutions manifestaient un intérêt accru concernant la situation des femmes autochtones. Le cadre analytique qu’elle emploie s’appuie sur des recherches abordant l’échec de l’intégration des femmes au développement ainsi que l’ethnicité et le genre dans une perspective pluridimensionnelle, ainsi que sur des analyses de la citoyenneté (ibid.). L’analyse de l’espace économique se base sur des entrevues auprès de trois groupes : des membres d’unités agricoles et industrielles pour femmes ayant bénéficié de politiques d’intégration des femmes au développement ; des membres d’unités de brodeuses ayant participé à des programmes de développement du gouvernement mexicain et des Nations unies ; et des membres des équipes d’encadrement des unités de brodeuses, soit des fonctionnaires ou des personnes travaillant au sein d’organisations non gouvernementales. Pour compléter ces données, Nadal a également procédé à une observation participante des pratiques du Fonds de développement des Nations unies pour la femme (UNIFEM) [17]. Dans le cadre de l’analyse de l’espace politique, l’autrice a étudié les discours et interventions d’organisations politiques (8) soit la Coordinadora nacional de mujeres indigenas (CONAMI) et les représentantes zapatistes (11, supra n. 1). Elle a également réalisé un terrain ethnographique auprès de quatre dirigeantes de la CONAMI, analysé les récits de vie de deux d’entre elles (15) et observé des rencontres nationales de l’organisation (ibid.). L’étude des positions des représentantes zapatistes s’inspire aussi des travaux d’ethnographes engagées (16). Tout au long du texte, Nadal suggère que, derrière l’intérêt des institutions nationales et internationales pour l’affranchissement des femmes autochtones de leur situation de marginalisation, se cache une volonté d’institutionnaliser leur contrôle et leur assujettissement au discours néolibéral (315). Elle étudie également la réaction des femmes autochtones face à l’instauration de ces mesures qui prennent la forme de programmes de développement et de promotion des droits humains. Pour ce faire, elle s’intéresse à la participation d’organisations de femmes autochtones dans l’espace économique et politique. L’analyse révèle trois positionnements des femmes autochtones face aux politiques étatiques et internationales qui contribuent à la construction du sujet « femme autochtone » dans l’espace public (317) : les femmes autochtones qui bénéficient de programmes de développement et se soumettent au discours raciste et sexiste de l’État mexicain, mais se réapproprient l’identité « femme autochtone » et l’adaptent à leur imaginaire en créant de nouveaux rôles de leadership pour les femmes autochtones au sein de la sphère économique (141) ; les femmes engagées en politique au sein d’organisations qui basent leurs actions sur les discours promus par les organisations non gouvernementales et les Nations unies et s’assujettissent au discours hégémonique culturel de ces institutions (213) ; et les femmes participant à des mouvements de libération de l’ensemble des personnes opprimées qui revendiquent l’autonomie face aux institutions mexicaines et internationales (275). Nadal soulève l’idée que, malgré les différentes positions des femmes autochtones étudiées, leur entrée dans l’espace public les confronte souvent à la résistance de leurs communautés, qui s’opposent …

Parties annexes