Les dessous et l’au-delà de cinq numéros remarquables

« Les Mohawks »Un numéro de Recherches amérindiennes au Québec un peu spécial…[Notice]

  • Pierre Trudel

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  • Pierre Trudel
    Chaire de recherche en études québécoise et canadienne, UQAM

À la suite de la « crise d’Oka » de 1990, poursuivant sa tradition d’intervenir dans des débats de société concernant les Premières Nations et les Inuits, Recherches amérindiennes au Québec publie le numéro « Les Mohawks » (vol. XXI, nos 1-2, 1991). Ce numéro ne porte pas vraiment sur les Mohawks mais traite plutôt des Mohawks et de ladite crise d’Oka. Ce mal nommé demeure, trente plus tard, un document de référence qui n’a pas perdu de sa pertinence. Par le numéro « Les Mohawks » de 1991, RAQ situe les évènements de la Crise dans son contexte historique, culturel et politique. Bien que la revue ait publié des articles spécialisés dans ce numéro, la diversité des textes rend le document accessible à un large public. Ce numéro double de RAQ a été produit moins d’un an après les événements – qui ont débuté le 11 juillet 1990 et qui nous ont précipités dans un conflit armé de 78 jours. Dès janvier 1991, la plupart des textes étaient en route. Le 29 mai, le numéro était lancé devant quelques centaines de personnes rassemblées dans un bar du boulevard Saint-Laurent à Montréal. Le ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec, Christos Siros, a pris la parole, ainsi qu’Allen Gabriel et Kanatakta, deux traditionalistes mohawks. Quelques jours avant le lancement, la Sûreté du Québec a communiqué avec RAQ afin d’obtenir la liste des invités pour assurer la sécurité du Ministre… un fait sûrement rare dans le cadre du lancement d’une revue scientifique ! Cet incident reflète à sa façon le climat de l’après-crise, ainsi que l’engagement social de RAQ malgré sa mission scientifique. C’est un anthropologue enthousiaste, sinon exalté… qui propose à l’automne 1990 au comité de rédaction de RAQ un numéro sur les Mohawks. Comme l’indique le titre de ma présentation du numéro, il s’agissait de faire connaître et d’analyser « le contexte amérindien de la crise d’Oka » et un ensemble d’éléments culturels et historiques qui permettent de mieux comprendre et d’expliquer les évènements, malgré le choc collectif que nos sociétés avaient subi. Choc collectif, y compris pour une population éclairée et sympathisante à la cause des Premières Nations, car la crise avait semé la perplexité, de la consternation, voire du désarroi et de l’incompréhension. Voici comment dans un entretien, en 2017, Clifton Nicolas, un Guerrier (Warrior) de 1990, explique la crise sociale mohawk et ce qui contribuait à l’incompréhension : De plus, et sans doute surtout, le numéro réplique à un certain discours nationaliste québécois qui occultait les réels enjeux. Serge Bouchard n’a cependant pas hésité dans le numéro à rendre compte du malaise de plusieurs intellectuels québécois : L’entrevue que j’avais menée avec Deer et Kanatakta, publiée dans ce numéro, montre bien la présence de préjugés anti-francophones à Kahnawake, préjugés qu’ils n’ont pas hésité à relever (pour l’inverse, soit les préjugés à l’égard des Mohawks, voir le texte de Carmen Michaud « De l’exotisme au réel : le racisme » publié dans le numéro de RAQ sur les Mohawks). Au cours d’une prise d’armes, cependant, s’agit-il strictement de sentiments anti-québécois, comme l’écrit Bouchard, ou plutôt d’alliance stratégique et nécessaire en temps de guerre ? Des Mohawks ont bien montré leurs préjugés anti-québécois pendant que d’autres se servaient de ces préjugés pour accroître leur rapport de force et chercher un appui du côté des Canadiens anglais. Trente et un ans plus tard, en consultant la présidente de la Société Recherches amérindiennes au Québec de l’époque, Nicole Beaudry, celle-ci confirme qu’être scientifique devant une telle crise n’est pas aisé : « La situation était si confuse, vue de …

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