Cinquante ans... cinquante textes : retour sur des thématiques marquantes

Les pratiques en sciences humaines et sociales au QuébecDébats et développement des approches appliquées et collaboratives en contextes autochtones[Notice]

  • Benoit Éthier et
  • Carole Delamour

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  • Benoit Éthier
    École d’études autochtones, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

  • Carole Delamour
    Chercheure postdoctorale au Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones

Les sciences humaines et sociales connaissent depuis les années 1960 une ébullition qui place au centre d’une transformation réflexive et méthodologique les débats relatifs au rôle de la recherche et des chercheurs en contextes autochtones (Marcus et Fisher 1983 ; Holmes et Marcus 2008). Dans cet article, nous revenons sur certains textes et débats publiés dans la revue Recherches amérindiennes au Québec depuis les années 1970. Ces textes font état de perspectives et de questionnements de chercheurs québécois, majoritairement des hommes et des anthropologues, ayant travaillé sur des projets d’études en contextes autochtones. Il sera notamment mention de débats issus des textes de Serge Bouchard et Jean-Noël Tremblay « Notes pour une problématique nouvelle en anthropologie : le cas de la Baie James » (1976), de Richard Dominique « La recherche en sciences sociales en milieu autochtone » (1985), de Charles A. Martijn (1977) « Histoire de la recherche archéologique au Québec » (1977) et de celui de Stephen Baines « Politiques indigénistes au Brésil, au Canada et en Australie : les défis de la pratique anthropologique dans divers contextes nationaux » (2014). Pour bien comprendre la teneur des réflexions soulevées par ces auteurs, il est nécessaire de revenir brièvement sur le contexte socio-historique dans lequel les débats ont eu lieu. Il sera question, entre autres, du développement de l’anthropologie québécoise et des études autochtones au Québec dans les années 1970-1980 et des revendications territoriales autochtones élaborées dans un contexte de construction de barrages hydroélectriques, qui ont notamment mené au développement des approches de recherche collaboratives sur l’occupation et l’utilisation autochtones des territoires concernés. Alimentés et enrichis par l’affirmation et les retours critiques des Autochtones, les réflexions publiées dans RAQ depuis la fin des années 1970 ont eu un impact déterminant sur le développement des études autochtones au Québec, particulièrement dans les méthodologies de la recherche appliquée. Avant les années 1960, peu de chercheurs francophones, mis à part Marius Barbeau (1883-1969) et Jacques Rousseau (1905-1970), avaient développé des programmes de recherche avec les communautés autochtones du Québec. Les études autochtones au Québec étaient majoritairement menées par des chercheurs anglophones, canadiens et états-uniens. Il suffit de penser aux travaux de Frank G. Speck, John Cooper, David Davidson, Regina Flannery, Eleanor Leacock, Edward Rogers et Julius Lips ainsi que Bruce Trigger. Les études autochtones au sein de l’anthropologie québécoise francophone ont connu un véritable essor dans les universités québécoises à partir des années 1960, notamment dans le contexte de la révolution tranquille, contexte historique de démocratisation de l’éducation qui a rendu plus accessibles les études collégiales et universitaires (Tremblay et Gold 1984 ; Trudel, Charest et Simonis 1995). À cette période sont créés plusieurs départements universitaires en sciences humaines et sociales au Québec. Ainsi, le département d’anthropologie de l’Université de Montréal est créé en 1961, celui de l’Université Laval en 1970 et celui de l’Université McGill en 1966. Dans les années 1960, les études anthropologiques québécoises s’orientent majoritairement sur les enjeux locaux, dont les études autochtones et régionales. Cette orientation vise à combler un vide important dans les études sur le Québec (Tremblay et Gold 1984 ; Gélinas 2000) et différents regroupements de recherche en études autochtones et régionales sont créés, dont le Centre d’études nordiques de l’Université Laval (1961), la Société d’archéologie préhistorique du Québec (1966) ou le Laboratoire d’anthropologie amérindienne (1970) du département d’anthropologie de l’Université de Montréal. C’est aussi en 1971 que sera créée la revue Recherches amérindiennes au Québec en tant que revue scientifique multidisciplinaire et francophone. Cette revue a grandement contribué, au fil du temps, au développement des connaissances et à la diffusion en français des recherches …

Parties annexes