Le consentement préalable, libre et éclairéLes défis de la mise en oeuvre en contexte canadien[Notice]

  • Martin Papillon et
  • Thierry Rodon

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Le 6 février 2020, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) donne suite à une injonction de la Cour suprême de Colombie-Britannique et procède à une série d’arrestations afin de libérer l’accès au chantier de construction du gazoduc Coastal GasLink. Les personnes arrêtées, membres de la Nation wet’suwet’en, disent agir au nom des chefs héréditaires qui, contrairement aux conseils de bande de la nation, n’ont jamais consenti au passage du gazoduc sur leurs terres ancestrales. Après cette intervention policière, un important mouvement de solidarité avec les opposants au gazoduc voit le jour à travers le pays et même au niveau international (Cecco 2020). En Ontario, au Québec et ailleurs, des barricades sont érigées pour bloquer des chemins de fer et des routes afin d’attirer l’attention sur le conflit et revendiquer le respect des droits de la Nation wet’suwet’en (voir l’encadré sur le conflit entourant l’oléoduc Coastal GasLink). L’histoire est jalonnée de ces conflits qui, de manière périodique, nous rappellent que la question coloniale est loin d’être réglée au Canada. En s’opposant au passage d’un gazoduc sur leurs terres ancestrales malgré l’appui des conseils de bande de la nation, les chefs héréditaires wet’suwet’en refusent l’imposition des lois et des institutions canadiennes sur ce qu’ils considèrent comme leur territoire – qu’ils n’ont jamais cédé, de gré ou de force, à la puissance coloniale. Ils revendiquent le droit de décider, librement et sans contraintes, du devenir de leurs terres et de leurs collectivités. Cette revendication n’est pas sans fondement. Il y a plus de vingt ans, la Cour suprême du Canada reconnaissait, dans un jugement qui a fait école, que la question du titre foncier des Wet’suwet’en n’était pas réglée (Delgamuukw 1997). Les opposants au gazoduc s’appuient également sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). La Déclaration reconnaît non seulement le droit des peuples autochtones à l’autodétermination, mais aussi, et surtout, le principe du consentement préalable, libre et éclairé (CPLE), notamment lorsque leurs terres ancestrales sont visées par un développement des ressources naturelles (ONU 2007, article 32.2). Cette référence au principe de consentement préalable, libre et éclairé est sans nul doute l’aspect le plus controversé de la DNUDPA. Les organisations de défense des droits des autochtones tendent à aborder le CPLE comme une extension logique du droit à l’autodétermination, et donc comme une reconnaissance explicite de leur autorité décisionnelle sur leurs terres ancestrales. Pour plusieurs États, y compris le Canada, le CPLE entraîne plutôt une obligation générale de consulter et de tenir compte de la volonté des peuples autochtones concernés, sans toutefois reconnaître à ces derniers un pouvoir décisionnel ou un véto sur les projets. Entre le droit d’être consulté et le droit de dire non, la marge est importante. Qui peut, au final, autoriser le passage d’un oléoduc ou encore un projet minier sur les terres ancestrales d‘une nation autochtone ? Quelles sont, en pratique, les conditions de mise en oeuvre de ce principe et qui représente les communautés dans ces processus ? Ce numéro thématique de Recherches amérindiennes au Québec réunit des textes qui s’intéressent, à partir de divers horizons disciplinaires, à ces questions complexes. Si la majorité des textes traitent du CPLE en contexte canadien ou même québécois, d’autres nous permettent de poser un regard comparatif, particulièrement sur la situation en Amérique latine. Au Canada comme ailleurs, les débats sur le CPLE portent sur la teneur normative du concept (voir à ce sujet le texte éclairant de Dominique Leydet dans le présent numéro), ses limites, mais aussi sur sa mise en pratique par divers mécanismes et pratiques plus ou moins formels (voir les textes …

Parties annexes