Vie et oeuvre de Rémi Savard

Identité québécoise : l’angle mortSynthèse des textes de Rémi Savard publiés dans les journaux[Notice]

  • Sylvie Vincent

Depuis le tout début des années 1970, Rémi Savard a réfléchi tout haut, par la voie de textes envoyés aux journaux et par ses interventions à la radio, sur des sujets dont la plupart peuvent être ramenés à une question unique et lancinante : pourquoi les relations entre les Québécois et les Premières Nations du Québec ne sont-elles pas ce qu’elles devraient être ? Avec les sous-questions qui viennent naturellement à l’esprit : depuis quand et pourquoi se sont-elles détériorées, quelles devraient-elles être exactement, quand allons-nous enfin réagir pour ne pas transmettre ce gâchis aux générations futures ? Le tout dans la perspective d’un Québec indépendant. Car, au moins jusqu’en 1995, la préoccupation première – je dirais, l’inquiétude profonde – exprimée par Rémi Savard est de savoir si le Québec, une fois devenu indépendant, serait capable de reconnaître non seulement la présence des Premières Nations mais aussi leurs droits et l’intérêt de leur compagnonnage pour un pays qui s’élancerait sur la voie de sa souveraineté. C’est cette question que je tenterai de suivre au fil des interventions de Rémi Savard dans les médias, interventions le plus souvent provoquées par l’actualité : projet de Livre blanc du gouvernement fédéral (1969) ; annonce par Robert Bourassa du projet de la Baie James (1971) ; jugement Malouf et son renversement par la Cour d’appel (1973) ; fin de l’Association des Indiens du Québec et naissance du Conseil Attikamek-Montagnais (1976) ainsi que, le 15 novembre de cette même année, arrivée au pouvoir du Parti Québécois ; noyade, dont les circonstances n’ont pas été élucidées à la satisfaction de tous, de deux Innus dans la rivière Moisie (1977) ; rendez-vous manqué entre le gouvernement péquiste et les chefs des Premières Nations (décembre 1978) ; « guerre du saumon » (fin des années 1970) et événements tragiques (juin 1981) de Listuguj, à l’époque appelée Restigouche ; référendum de 1980 ; rapatriement de la Constitution canadienne (1982) ; référendum de 1995, etc., jusqu’à la signature d’une entente de principe, dite « Approche commune » entre le gouvernement du Québec et quatre communautés innues (2002), ainsi qu’à la signature de la « Paix des Braves » entre le Québec et les Cris (2003). Le corpus sur lequel je me suis basée est essentiellement celui des textes parus dans les quotidiens du Québec. Je n’ai pas tenté de faire une analyse de contenu de tous ces écrits mais plutôt d’y suivre la question mentionnée plus haut, soit celle de la place qui devrait être faite aux Premières Nations dans un Québec indépendant ou au moins dans le Québec de l’avenir. Une façon de poursuivre avec Rémi Savard une conversation amorcée au milieu des années 1970. On verra que, dès cette époque, son idée est faite. Une fois son discours mis à plat, et même s’il en a écrit chacun des éléments en réaction aux événements de l’actualité, on peut y aller et y venir du début des années 1970 au milieu de la décennie 2000 sans y trouver de contradictions ; on peut même repérer dans ce qu’il a écrit il y a trente ou trente-cinq ans de quoi expliciter ce qu’il a publié il y a dix ou quinze ans. Il reste, bien sûr, qu’aussi rigoureuse qu’ait été ma traque à la question des relations entre Québécois et Premières Nations, ce texte est le résultat d’une lecture personnelle des écrits de Rémi Savard. Quatre acteurs se partagent la scène de ses observations : les nations amérindiennes (rarement les Inuits), le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec, et surtout la société québécoise dans sa relation avec les Premières Nations. …

Parties annexes