Comptes rendus

Sébastien Grammond. Identity Captured by Law. Membership in Canada’s Indigenous Peoples and Linguistic Minorities, McGill-Queen’s University Press, Montréal & Kingston, 2009, 252 p.[Notice]

  • Marc L.Johnson

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  • Marc L.Johnson
    sociologue, chercheur,
    Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques
    mj@socius.ca

L’ouvrage du juriste Sébastien Grammond s’intéresse aux différentes façons par lesquelles le droit tente de définir l’identité d’une collectivité afin d’en régir l’effectif (membership control). Les tribunaux sont en effet appelés à examiner comment les autorités décident concrètement qui peut bénéficier des droits accordés à certaines collectivités (ou être soumis à des obligations particulières), notamment lorsqu’elles sont en situation minoritaire. L’auteur appuie son analyse sur trois cas particuliers : l’identification des autochtones du Canada avant la réforme de la Loi sur les Indiens de 1985, la situation actuelle des identités autochtones et la définition des minorités linguistiques en matière d’éducation au Canada. La comparaison entre les autochtones et les minorités linguistiques peut paraître surprenante, mais l’auteur prend bien soin d’expliquer qu’il s’agit des deux principaux cas où l’appartenance ethnique est définie par la loi au Canada. En qualifiant ces deux groupes de minoritaires, l’auteur reconnaît aussi qu’il semble être en porte-à-faux avec la position historique des Autochtones de ne pas être une minorité en droit. C’est en faisant appel au concept d’identité ethnique, emprunté aux sciences sociales, que le juriste justifie ce choix. Il adopte une version constructiviste du concept afin de décrire, à partir des marqueurs identitaires que se donnent les membres des collectivités, quelles sont les identités culturelles en présence. Ensuite, il confronte cette réalité construite aux concepts plus normatifs de droit à l’autodétermination des peuples, droit à l’égalité réelle en regard de l’ensemble de la population et droit à la culture (droit d’un individu d’être reconnu comme membre de la minorité). La méthode d’analyse mise de l’avant par l’auteur repose sur la question hypothétique suivante : de quelle façon un tribunal traiterait-il une allégation selon laquelle les critères d’admission à une minorité particulière sont discriminatoires ? L’intérêt de cet ouvrage réside autant dans l’originalité de la méthode interdisciplinaire proposée que dans les cas proprement étudiés. Cette méthode d’analyse juridique est enrichie par une approche socio-anthropologique de l’ethnicité. Plus du tiers de l’ouvrage est consacré au cadre analytique, qui s’appuie sur les instruments juridiques et la jurisprudence tant au Canada que sur le plan international, ainsi que sur les écrits relatifs à l’ethnicité. On peut ainsi lire d’intéressants passages sur la protection des minorités comme principe fondamental de la Loi constitutionnelle, sur la filiation ancestrale comme marqueur équivoque de l’ethnicité, sur la différence entre égalité formelle et égalité réelle ou entre discrimination directe et indirecte, sur le fardeau propre aux minorités culturelles, sur la tension entre droits collectifs et droits individuels, sur le droit à l’autonomie gouvernementale, sur la hiérarchie des droits, etc. La teneur théorique et méthodologique de cet ouvrage s’explique par le fait qu’il s’agit d’une adaptation de la thèse soutenue par l’auteur en 2004. Plusieurs facteurs, dont la résistance autochtone face au Livre blanc de 1969, la décision du Comité des droits de l’Homme des Nations unies sur le cas Lovelace en 1981 et la Loi constitutionnelle de 1982, ont forcé le changement de la Loi sur les Indiens en 1985, notamment en regard de l’admissibilité au statut d’autochtone. Les mécanismes sont aujourd’hui multiples et l’auteur les analyse en fonction du degré d’autonomie qu’ils octroient aux peuples autochtones et de leur conformité aux droits à l’égalité. Le mécanisme qui offre le moins d’autonomie est celui octroyant le statut d’Indien en vertu de la loi de 1985. Bien qu’il soit dépouillé des principaux vices paternalistes de l’ancienne loi, il reste, selon l’auteur, discriminatoire sur une base sexiste, à cause notamment de la clause limitative à deux générations de mariages avec des non-Indiens, et raciste puisque l’identité est uniquement basée sur la filiation ancestrale. Un …