Recensions

Une île, une nation ? Le nationalisme insulaire à la lumière des cas de Terre-Neuve et Puerto Rico, de Valérie Vézina, Québec, Presses de l’Université du Québec, coll. « Géographie contemporaine », 2018, 229 p.[Notice]

  • Félix Mathieu

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Issue d’une thèse de doctorat, Une île, une nation ? Le nationalisme insulaire à la lumière des cas de Terre-Neuve et Puerto Rico est la première monographie de Valérie Vézina, professeure de science politique à la Kwantlen Polytechnic University de Surrey, en Colombie-Britannique. S’adressant essentiellement à un lectorat universitaire, cet ouvrage vient combler une lacune dans la littérature scientifique francophone et contribue sans conteste à l’approfondissement des connaissances dans le domaine des études sur le nationalisme. En effet, le champ de la nissologie (science des îles) correspond à un angle mort important des principales analyses du phénomène national. Dans ce livre, Vézina défend la thèse « que l’îléité constitue un facteur-clé dans l’explication des variations et des types de “demandes nationalistes” à Terre-Neuve et à Puerto Rico » (p. 211). À cet effet, l’autrice fournit une synthèse critique et argumentée des travaux qui portent sur le nationalisme, le fédéralisme et les îles. De même, par le truchement d’une étude empirique comparative, elle contribue à identifier les limites théoriques inhérentes aux analyses dominantes. Je reviendrai d’abord sur le cadre théorique et analytique développé dans le livre. Je présenterai ensuite les tenants et aboutissants de la comparaison. Enfin, je formulerai quelques critiques quant à la démarche théorique et méthodologique retenue. Le concept central de l’ouvrage est celui de l’îléité. D’abord, on doit le distinguer de l’insularité, que Vézina comprend, à l’instar de Joël Bonnemaison (« Vivre dans l’île : une approche de l’iléité océanienne », Espace géographique, 1990, 19-20[2] : 119-125), comme une « forme géographique résultant d’une discontinuité physique majeure qui entraîne l’isolement par rapport aux grandes terres ou aux continents » (p. 8). Fait important, l’insularité se réduirait à des considérations purement physiques (surtout, sa taille), alors que le concept de l’îléité aurait pour vocation d’aller « au-delà de la singularité physique de l’île ». Ainsi, il a pour objectif de mieux comprendre la « symbolique de l’île qui renvoie à un archétype idéal » (p. 8). En employant cette notion, l’autrice tente aussi « de se départir de la connotation négative trop longtemps associée au terme “insularité” » (p. 8). Après avoir brossé un portrait synthétique très juste de la littérature sur les nations et les nationalismes, Vézina présente le corpus théorique et analytique sur lequel elle s’appuie pour étudier les deux cas qui l’intéressent, soit les îles de Terre-Neuve au Canada et de Puerto Rico aux États-Unis. Pour ce faire, elle se situe par rapport aux travaux de trois auteurs clés : Godfrey Baldacchino (Island Enclaves : Offshoring Strategies, Creative Governance and Subnational Island Jurisdiction, McGill-Queen’s University Press, 2010), Eve Hepburn (« Recrafting Sovereignty : Lessons from Small Island Autonomies ? », dans Alain-G. Gagnon et Michael Keating (dir.), Political Autonomy and Divided Societies, Palgrave Macmillan, 2012, p. 118-133) et André Fazi (La recomposition territoriale du pouvoir : les régions insulaires de Méditerranée occidentale, Albiana, 2009). En suivant leurs enseignements, Vézina en vient à opérationnaliser le concept d’îléité « autour de quatre dimensions, soit les dimensions territoriale, politique, économique et culturelle » (p. 9) ; chacune fait l’objet d’un chapitre, ce qui rend la lecture agréable et intuitive. Hypothético-déductive, la démarche que retient l’autrice l’engage à présenter au premier chapitre (p. 46-47) une série de huit hypothèses qu’elle va tester empiriquement, et qui découlent essentiellement des travaux des trois auteurs susmentionnés. Elles seront donc confrontées aux trajectoires de deux îles certes distinctes (géographie, démographie, etc.), mais qui partagent suffisamment de traits pour qu’une comparaison soit possible et pertinente : les deux évoluent dans un système fédéral ; une « forte …