Recensions

Les nationalismes sous la direction de Bernard Baertschi et Kevin Mulligan, Paris, Presses universitaires de France, 2002, 249 p.[Notice]

  • Daniel Jacques

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  • Daniel Jacques
    Cégep François-Xavier Garneau

Dans le paysage politique de notre époque, la nation occupe encore une place prépondérante. Bien que la mondialisation et le type de gouvernance qui l’accompagne aient réduit considérablement la souveraineté des États, ceux-ci n’en demeurent pas moins des acteurs déterminants de la scène politique et contribuent à définir notre destinée commune. Or, il est frappant de constater que le caractère indéniable de ce fait historique contraste fortement avec la légitimité morale et intellectuelle accordée à l’idée de nation. Pour ce qui concerne l’après-guerre, on remarque un désintérêt pour ainsi dire général, mais peut-être plus accentué encore dans le champ de la philosophie politique, pour cet objet jugé « arbitraire » et « incertain », voire « dangereux », qu’est alors devenue la nation. Ce n’est qu’assez récemment que les historiens, les sociologues et les politologues, notamment dans le monde anglo-saxon, ont tenté de penser autrement la nation en l’inscrivant dans de nouvelles perspectives. Mentionnons les travaux bien connus d’Ernest Gellner (1983), de Benedict Anderson (1991) et de Liah Greenfeld (1992). L’ouvrage conçu sous la direction de Bernard Baertschi et Kevin Mulligan témoigne de ce renouveau d’intérêt pour la question nationale, car, d’une certaine façon, il est bien vrai que la nation se présente davantage comme un problème que comme une solution. Il s’agit d’examiner de quelle légitimité philosophique peut se réclamer aujourd’hui l’idée de nation. Ceux qui ont pris l’initiative de publier l’ouvrage n’ont pas tenté d’apporter une réponse définitive à cette délicate et importante interrogation, ils ont plutôt choisi d’offrir une diversité de points de vue sur la question. Voilà pourquoi cet ensemble d’articles qui tous, sauf deux exceptions, ont été publiés dans différentes revues scientifiques est divisé tout naturellement en trois parties : la première présente les « Les forces du nationalisme », la deuxième signale plutôt « Les faiblesses du nationalisme », alors que la dernière regroupe, sous l’intitulé « Quelques remèdes », des positions intermédiaires ou excentriques dans le débat. On remarquera que le titre du livre ne reflète pas véritablement le contenu. En effet, l’expression choisie — Les nationalismes — laisse plutôt croire que nous sommes en présence d’études sur les divers mouvements politiques qui se réclament de la nation, alors qu’il s’agit davantage d’une discussion sur les fondements théoriques et moraux de l’idée de nationalité. Il convient d’abord de signaler un accord général — peut-être le seul — quant à la nécessité d’exclure de l’examen les formes guerrières et xénophobes du nationalisme. Tous les auteurs inscrivent leur proposition à l’intérieur de la tradition libérale, bien qu’ils montrent que celle-ci peut être interprétée fort différemment, voire contradictoirement. Il s’agit donc d’examiner quelle peut être la légitimité de la nation dans une société qui se réclame des principes du libéralisme. On remarquera tout d’abord que la discussion offerte forme un panorama des opinions centré principalement sur la littérature des pays anglo-saxons. Je ne prendrai ici que trois exemples pour illustrer la chose : Philip Gerrans cherche à montrer les limites de l’interprétation d’E. Gellner et d’autres qui établissent certains liens entre l’avènement de la modernité en Occident et le phénomène national. Daniel M. Weinstock, pour sa part, critique les propositions de David Miller et de Yael Tamir. Enfin, Markus Haller propose une mise en perspective nuancée, mais critique des thèses de Will Kymlicka concernant les droits collectifs. On notera aussi que, dans ce tableau des positions favorables et défavorables à la réhabilitation de la nation, il y a un déséquilibre certain. La seule véritable défense de la nationalité, déjà connue (1995), est celle de D. Miller. Celle offerte par B. Baertschi, fondée sur un examen de …