Comptes rendus

France Giroux et André Mineau (dir.), Les populismes d’hier à aujourd’hui. Les ambiguïtés d’une parole attribuée au peuple, Montréal, Éditions JPD, 2021, 150 pages[Notice]

  • André Rocque

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  • André Rocque
    Collège Montmorency, retraité

L’ouvrage s’adresse à la communauté savante, bien sûr, mais aussi à toute personne intéressée au phénomène populiste ou inquiète de la signification et des conséquences du populisme. France Giroux et André Mineau nous proposent dix essais autour du phénomène et autour des multiples manifestations du populisme, « un phénomène culturel et politique polysémique » très important de nos jours (p. 7). La variété des contributions permet de comprendre la nature éclatée du phénomène ; la lectrice ou le lecteur aura droit à quelques surprises. L’auteur de cette recension tient à dire ici son plaisir de retrouver plusieurs collègues et ami(e)s. André Mineau ouvre le bal avec une présentation du populisme dans l’histoire contemporaine. Il s’arrête en particulier à la conception du peuple dans l’Allemagne nazie (p. 15 ss.). Tout semble avoir commencé là. Le premier temps du nazisme a consisté surtout en un discours démagogique. Derrière ce discours, la vision nazie du peuple comme « la réalité ontologique suprême et le lieu de la valeur suprême » (ibid.). Mineau souligne que l’idéologie nazie opérait une nette distinction entre le peuple et la race. Il fallait se défaire de l’élite traditionnelle et la remplacer par une élite nouvelle, essentiellement issue de la classe moyenne et ayant fait la guerre, au sommet de laquelle trônerait un chef charismatique incarnant le peuple, ses valeurs et ses aspirations (p. 17). Cela aboutirait à « la renaissance de l’Allemagne, unie par Hitler » (ibid.). Frédéric Boily poursuit en demandant si la vague populiste actuelle dénote un retour aux années 1930. La question se pose. Le populisme et le fascisme « sont pratiquement devenus des synonymes » (p. 19). Dans la première partie de son chapitre, Boily avance une première distinction. Il y aurait le populisme « qui évolue au sein de la démocratie » et le populisme antidémocratique (ibid.). Dans la deuxième partie de son chapitre, Boily aborde de front la question : assistons-nous à un retour aux années 1930 ? Boily ne voit pas de continuité historique entre cette époque et la nôtre (p. 22). Il s’agirait plutôt d’une récupération (p. 23). Au contraire du populisme actuel, qui entend ou prétend « corriger » le processus de la démocratie, le fascisme visait à l’abattre (ibid.). Dans la troisième partie de son chapitre, Boily trace les limites de la comparaison. Il y a des limites à la comparaison en ce sens que le passé peut éclairer le présent, mais il peut aussi l’obscurcir (p. 25). Quant à la possibilité de réelles similitudes, « les démocraties libérales d’aujourd’hui sont dans une phase d’épuisement », et de conclure Frédéric Boily : « C’est cette réflexion qu’il faut poursuivre pour comprendre la vague populiste » (p. 26 ; conclusion que nous espérons programmatique). La contribution de Danièle Letocha porte sur ce qu’elle appelle « le moteur inavoué » du populisme, à savoir l’instrumentalisation du peuple. Elle aborde en particulier la question du populisme se réclamant de la gauche. Son interrogation, précise-t-elle, porte « plutôt sur l’épistémologie que sur l’histoire » (p. 28). En effet, on peut s’interroger sur la nature du populisme et sur qui peut ou a le droit de s’en réclamer. En particulier, l’interrogation menée dans ce chapitre s’articule autour du « populisme de gauche » posé et revendiqué par Chantal Mouffe. D’abord, à la première section : « quel peuple ? » (ibid.) Danièle Letocha identifie trois sens ou registres du concept de peuple : ethnique, juridique, politique. Mais ces catégories n’ont rien d’étanche, souligne-t-elle. Il s’agit plutôt d’aspects d’une même entité. Et la nation …