L’entrevue

Un état des lieux de l’accès à l’avortement au QuébecEntrevue avec Anne Marie Messier, du Centre de santé des femmes de Montréal[Notice]

  • Sylvie Lévesque et
  • Audrey Gonin

…plus d’informations

  • Sylvie Lévesque
    Département de sexologie, UQAM

  • Audrey Gonin
    École de travail social, UQAM

Le Centre de santé des femmes est un organisme communautaire autonome féministe créé en 1976 dans la foulée des mouvements féministes français et québécois. Au départ, c’était un organisme d’information sur la santé avec des activités d’autosanté, c’est à dire des femmes qui mettent ensemble leurs connaissances. Dans les années 1970, Internet n’existait pas et donc c’était vraiment un centre de documentation qui très vite a donné de l’information précise, au téléphone ou sur place, aux femmes concernant la contraception, l’avortement, la santé gynécologique, le test Pap... Très rapidement, le besoin d’offrir des services s’est ajouté au fait d’avoir un centre d’information. C’est une mission qui est restée, pas exactement sous la même forme, mais on répond encore à des milliers d’appels tous les ans, sur toutes sortes de sujets en santé des femmes. À ça s’est ajouté le besoin de faire les ateliers, en co-construction, mais très rapidement le besoin d’avoir un autre lieu que les hôpitaux pour l’avortement a pointé. Au début des années 1980, il y avait cinq CLSC qui n’avaient pas le droit de pratiquer des avortements dans leur milieu — c’était avant la dépénalisation de l’avortement — qui ont contacté le centre : « est-ce qu’on pourrait le faire dans votre milieu si on vous prête les médecins et les infirmières ? » Parce qu’à cette époque, le gouvernement québécois était obligé de respecter la loi qui interdisait l’avortement, mais il payait les médecins qui le faisaient. Pendant six ou sept ans, puisque l’avortement est sorti du Code criminel en janvier 1988, donc toutes ces années-là, on a continué à faire ça. Et très rapidement, ce n’était plus les CLSC, c’est le centre qui s’est équipé, et le ministère de la Santé a trouvé des façons de subventionner le centre, en utilisant d’autres ressources, pas directement. Les médecins étaient payés directement par la RAMQ et le centre recevait des montants, qui étaient petits à l’époque, on s’entend. Mais le Centre n’était pas le seul à Montréal, à cette époque-là cinq centres de santé des femmes au Québec se sont implantés : Outaouais, Mauricie, Québec, Sherbrooke et Montréal. Québec et Sherbrooke ont fermé quelques années plus tard, mais les trois autres sont toujours en activité. Nous avons tous commencé à faire des avortements au même moment. Avec ça, se sont greffés au CSFM d’autres services en santé sexuelle et reproductive. Pendant un bout de temps, il y a eu des suivis de grossesse qui se faisaient au centre, il y a eu des cliniques gynécologiques, des ateliers, toutes sortes de choses. Les équipes qui étaient là avaient un côté aussi d’expérimentation interne, et sur le long terme, la gestion collective a mené à un rétrécissement de la mission : au début des années 2000, c’était vraiment devenu un centre d’avortement. Un service d’information téléphonique, des ateliers sur la cape cervicale et c’est tout. Moi quand je suis arrivée là, en 2007, j’étais étonnée du fait qu’il ne rest[ait] plus que ça. Je trouvais qu’on ne répondait pas parfaitement à la mission avec seulement une clinique d’avortement. Donc on a fait une espèce de grand forum ouvert, avec les membres. Il restait une vingtaine de membres à peu près, il y avait une équipe de 8-10 personnes, et donc on a fait un grand forum ouvert en 2007 pour réfléchir : si on veut faire autre chose, on fait quoi ? Organiser ce forum ouvert a été très, très positif parce que la formule convenait bien, beaucoup de personnes ont participé et il y a vraiment eu de belles idées qui sont sorties de ça : on …