Échos et débats

Grandeur et misère des programmes d’intervention précoce[Notice]

  • Jean-Pierre Hétu

…plus d’informations

  • Jean-Pierre Hétu
    Organisateur communautaire
    CLSC Le Partage des eaux

La rubrique Échos et débats offre aux intervenants et aux chercheurs la possibilité d’exprimer librement leur opinion et leurs réflexions critiques sans que leur article ne soit soumis à l’évaluation par un comité de pairs, comme c’est le cas pour les articles scientifiques. Les personnes s’exprimant sous cette rubrique sont les seules responsables de leurs propos. Les acteurs intéressés à répondre aux questions ou aux critiques soulevées par l’un de ces articles, ou encore ceux qui se sentiraient interpellés, sont invités à nous soumettre un article afin d’engager ou de poursuivre un débat.

Depuis quelques années, nous avons vu se multiplier les programmes cadres (Naître égaux – Grandir en santé (NÉGS), Programme de soutien aux jeunes parents (PSJP), etc.), offerts tant par le ministère de la Santé et des Services sociaux que par les Régies régionales. Pour plusieurs, cela est venu bousculer une intervention basée sur le local et a détourné des énergies vers ces programmes. D’autres, comme nous, y ont vu une occasion de mieux répondre aux besoins d’une partie de leurs concitoyens et concitoyennes demeurés insatisafaits compte tenu de l’absence de concertation entre les différents acteurs du milieu. Comment expliquer ces différentes réactions allant de l’adhésion critique (ou aveugle) à l’aversion ? En quoi la mise sur pied d’une table de concertation intersectorielle est-elle en contradiction avec le rôle d’organisateur communautaire ou avec nos valeurs ? Doit-on parler de contradictions, de défis éthiques, de menaces, de risques ou de circonstances favorables ? Au CLSC Le Partage des eaux, la réflexion sur les besoins des familles en contexte de pauvreté est en cours depuis 1989. Après avoir longuement réfléchi sur la pauvreté, les intervenantes en périnatalité se sont demandé si nos services répondaient correctement aux besoins des personnes en situation de pauvreté. Certaines étaient d’avis que oui, les autres pensaient que non. Une étude demandée à la Régie régionale, sur l’utilisation de nos services en périnatalité en fonction du critère de la pauvreté a confirmé que les personnes en situation de pauvreté utilisaient moins nos services que les personnes plus fortunées. Nous nous sommes alors demandé comment nous pourrions mieux répondre aux besoins de ces familles. Nous avons alors appris la mise en place du programme NÉGS, par le Département de santé communautaire Maisonneuve-Rosemont, et demandé d’en faire partie. Ce programme ne nous a donc pas été imposé, loin de là, et nous avons même fait des démarches pour y être associés. Ainsi, de 1990 à 1995, nous avons participé à toutes les phases du développement de NÉGS. C’est en 1996 que nous avons mis sur pied la Table d’action intersectorielle avec les partenaires institutionnels et communautaires de notre milieu, et nous travaillons à l’implantation du PSJP depuis septembre 2002. Notre position par rapport à ces programmes est donc plutôt positive même si nous gardons un oeil critique sur tout ce qui pourrait s’imposer à notre milieu plutôt que répondre à ses besoins. Certains pourraient penser que nos trop longues fréquentations avec ce type d’approche ont émoussé notre sens critique et que nous nous sommes peu à peu endormis. « Une telle approche est en contradiction avec la tradition communautaire des CLSC qui commande plutôt une démarche “du bas vers le haut” laquelle prend appui sur les forces vives du milieu et sur la volonté des acteurs en présence. » À première vue, nous pourrions penser que l’organisation communautaire ne devrait jouer aucun rôle dans l’implantation de ces programmes qui risquent de dénaturer notre travail. Je suis d’un avis différent. Le cadre de référence de l’organisation communautaire en CLSC adopté en juin 2002 parle des types d’intervention en organisation communautaire. Parmi ceux-ci, il y a l’identification des problématiques du milieu, la sensibilisation et la conscientisation, la concertation et la mobilisation des ressources et l’action politique. Dans notre milieu, ces types d’intervention sont tous utilisés dans l’arrimage des programmes. Nous ne pouvons nous contenter de répondre aux demandes qui proviennent du milieu, même si elles sont très importantes. Les personnes qui se tournent vers le CLSC sont rarement les personnes en situation de pauvreté, celles-ci s’adressant à nous presque exclusivement en situation de crise. Dans une optique de prévention et de …

Parties annexes