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Mystère sur l'origine de la sélection du génotype CCR5Δ32, protecteur contre le virus de l'immunodéficience humaineMystery upon the origin for the selection of AIDS-protective CCR5Δ32[Notice]

  • Sébastien Janvier et
  • Nikolaus Heveker

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  • Sébastien Janvier
    Centre de recherche,
    Hôpital Sainte-Justine,
    3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine,
    local 6737, Montréal, Québec, H3T 1C5
    Canada.

  • Nikolaus Heveker
    Centre de recherche,
    Hôpital Sainte-Justine,
    3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine,
    local 6737, Montréal, Québec, H3T 1C5
    Canada.
    nikolaus.heveker@recherche-ste-justine.qc.ca

Le récepteur de chimiokines CCR5 est utilisé par le virus de l'immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1) pour pénétrer dans les cellules du système immunitaire. Les porteurs de la mutation CCR5Δ32 sont naturellement résistants au VIH-1 [1] car la délétion de 32 paires de bases dans le gène de ce corécepteur empêche le virus de pénétrer dans les cellules cibles [2] (Figures 1 et 2). La fréquence et la distribution du génotype CCR5Δ32 dans la population suggèrent une sélection récente. Les individus homozygotes CCR5Δ32/CCR5Δ32 ne se distinguent par aucun phénotype autre que leur apparente résistance au VIH-1. De façon surprenante, le génotype CCR5Δ32 n'est présent exclusivement que dans la population caucasienne : la fréquence moyenne est de 10 % (donc 1 % d'homozygotes) et va jusqu'à 16 % dans les populations de Finlande et de Russie. Ces observations permettent donc de supposer que l'émergence de la mutation CCR5Δ32 s'est produite en Europe assez récemment. Elle résulterait d'une sélection positive dont la cause fait l'objet d'une hypothèse audacieuse formulée par des chercheurs britanniques dans un article publié dans le Journal of Medical Genetics en 2005 [3]. Selon les estimations, la peste noire tua 40 % de la population européenne au xive siècle, et continua de sévir par flambées récurrentes sporadiques pendant 400 ans. Une autre hypothèse, soutenue par un modèle mathématique publié en 2003 par Alison P. Galvani et Montgomery Slatkin, désigne la variole comme origine probable de la pression de sélection en faveur de CCR5Δ32 [4]. Causée par un virus de la famille des Poxviridae, la variole a provoqué des épidémies importantes en Europe au xviie et xviiie siècles. La distribution de la variole représenterait mieux, selon les auteurs, le gradient de distribution nord-est/sud-ouest de CCR5Δ32 en Europe que la peste, qui, elle, aurait sévi plus fortement en Europe centrale. De plus, le rôle facilitateur des récepteurs de chimiokines pour l'entrée virale de certains poxvirus dans des cellules cibles a certes été suggéré, mais uniquement dans un rapport isolé en 1999 [5]. En revanche, l'analyse de souris dont le gène ccr5 est inactivé a donné des résultats ambigus sur une éventuelle implication de la bactérie Yersinia pestis, l'agent de la peste. En effet, la délétion de ccr5 n'affecte pas les taux de survie après inoculation à dose létale [6, 7], même si l'absence du récepteur semble réduire le taux de phagocytose [6]. L'ensemble de ces données serait donc en faveur des vagues de variole à l'origine de la sélection positive de CCR5Δ32, plutôt que des épidémies de peste. Mais cette hypothèse est actuellement remise en question par un travail de réévaluation des pressions sélectives historiques exercées par les différentes épidémies lors des siècles passés. Un groupe de chercheurs de l'Université de Liverpool (Royaume-Uni) avance que la durée des épidémies de variole et leur taux de mortalité, supposés par Alison P. Galvani et Montgomery Slatkin pour leur modèle de simulation mathématique, ne correspondraient pas aux données épidémiologiques documentées recueillies à partir d'archives [3]. Selon Christopher Duncan et ses collègues, la sélection initiale serait due aux épidémies documentées, rapportées sous le nom de « pestes ». Mais ces infections seraient pour la plupart des fièvres hémorragiques d'origine virale, et appelées « pestes hémorragiques ». Ce serait alors un virus (non identifié) déclencheur de la peste hémorragique, et non Yersinia pestis, qui aurait causé la plupart des « pestes » épidémiques européennes et qui serait à l'origine de la sélection de CCR5Δ32. Le virus aurait utilisé le récepteur des chimiokines CCR5 comme porte d'entrée pour atteindre ses cibles, tout comme le VIH, …

Parties annexes