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Les principes généraux de la justice civile et le nouveau Code de procédure civile[Notice]

  • Frédéric Bachand

Frédéric Bachand, Ad. E. est professeur agrégé et Chercheur facultaire Norton Rose Fulbright à la Faculté de droit de l’Université McGill. Le présent texte est adapté d’une allocution prononcée à la Cour d’appel du Québec le 23 octobre 2015 et à la Cour supérieure du Québec le 23 février 2016.

Citation: (2015) 60:2 McGill LJ 447

Référence : (2015) 60:2 RD McGill 447

On a beaucoup parlé — au cours des dernières années — des failles du système de justice civile québécois, à un point tel qu’on perd parfois de vue qu’à de nombreux égards, il constitue un modèle enviable. Permettez-moi donc de débuter sur une note positive, avant de revenir brièvement sur ces failles et d’expliquer pourquoi j’ai choisi de me pencher sur les principes généraux qui sous-tendent ce système. Tous les systèmes modernes de justice civile ont en commun qu’ils poursuivent certains objectifs fondamentaux et il y a lieu de se réjouir du fait qu’au Québec, la plupart de ces objectifs sont atteints sans difficulté. Nous avons le luxe de pouvoir tenir pour acquis que les résultats auxquels conduit notre système de justice civile — qu’ils prennent la forme de jugements ou de règlements amiables — seront pleinement et facilement exécutés. De plus, le système garantit aux justiciables un traitement généralement adéquat de leurs dossiers, par des juges compétents et intègres, des juges qui comprennent et respectent les garanties fondamentales d’une procédure juridictionnelle équitable et qui exercent leurs fonctions de manière transparente et responsable. Par ailleurs, la culture qui s’est développée au fil du temps accorde une importance primordiale à la primauté du droit, de sorte que les jugements que produit le système reposent non pas sur des considérations arbitraires, mais bien sur l’application généralement rigoureuse du droit applicable aux faits pertinents. Enfin, notre système permet aux juges d’exercer adéquatement leurs fonctions normatives, c’est-à-dire leur mission de développer, clarifier et faire avancer le droit, une mission qui — comme le rappelait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen — est prépondérante en ce qui concerne les tribunaux siégeant principalement en appel. Il s’agit d’acquis très précieux. Nous avons donc réussi à bâtir un système de justice civile très performant, mais nous l’avons malheureusement fait au détriment de son accessibilité. C’est un système qui mériterait sans doute une mention dans le Guide Michelin de la justice civile, mais qui — comme les grands restaurants étoilés — demeure inaccessible pour le commun des mortels. D’ailleurs, n’oublions pas que ce problème d’accessibilité entraîne certains dommages collatéraux. Par exemple, on a tendance à se réjouir trop rapidement lorsque des dossiers judiciaires se règlent à l’amiable. Ce qu’il convient de promouvoir et de saluer, ce sont les règlements amiables suffisamment équitables, volontaires et éclairés. Or, chacun sait que bon nombre de règlements amiables sont conclus par nécessité, en ce sens que la décision des parties aura été indûment influencée par l’inaccessibilité de notre système de justice civile. Il y a là un véritable problème, qui est d’autant plus important que la très grande majorité des instances prennent fin avant qu’un jugement final n’intervienne sur le fond. Ce problème d’accessibilité est le point de départ du message que je souhaite livrer aujourd’hui. Le problème est grave, à un point tel qu’il n’est probablement pas exagéré de parler — comme l’a fait récemment la juge en chef du Canada — d’une véritable crise. Il y a cependant lieu d’être optimiste, car l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile (« nouveau Code ») offre aux juristes qui s’intéressent à la justice civile une occasion réelle et historique d’y remédier. En fait, j’irais plus loin. La réforme ne fait pas que donner l’occasion de remédier à ce problème d’accessibilité, je dirais même qu’elle impose l’obligation de le faire. Pourquoi? Parce que l’adoption du nouveau Code repose sur une volonté politique très claire de doter les justiciables québécois d’un système qui répond à leurs attentes et à leurs besoins. Comme l’affirme la ministre de la Justice dans ses …

Parties annexes