Book NoteRecension

Antoine Leduc, Mondialisation et harmonisation du droit des sûretés, Montréal, Thémis, 2012, 670 pages[Notice]

  • Laurence Bich-Carrière

Version remaniée de la thèse de doctorat de l’auteur, réalisée sous la direction du professeur Pierre Ciotola, l’ouvrage Mondialisation et harmonisation du droit des sûretés propose une réflexion critique, empirique et comparative sur les conditions d’implantation d’un régime de sûretés moderne dans un contexte transnational. Le point d’ancrage de l’étude est le constat d’une tendance à l’uniformisation des mécanismes de crédit garanti, compris comme nécessaires à la stabilité du commerce et propices à la coopération économique, et ce, tant entre les démocraties libérales que dans les pays en voie de développement, où elle est introduite par les organisations internationales. Cette tendance est dictée par des impératifs pratiques, mais comment se réalise-t-elle concrètement? L’auteur aborde la question en deux temps. Au terme d’un examen des divers systèmes de la tradition juridique occidentale, il dégage d’abord une structure archétypale, la mécanique d’un modèle efficient (c’est l’étude systémique de la partie I de l’ouvrage). Ce modèle, autour duquel s’articulent les efforts de réforme des institutions de développement international, est ensuite confronté à la réalité des traditions juridiques, en l’occurrence non occidentales, de pays visés par ces efforts de réforme (c’est l’étude appliquée de la partie II). L’analyse se trouve ici nourrie des conclusions que l’auteur a pu former par sa participation à deux projets entrepris sous l’égide de l’Agence canadienne de développement international, l’un portant sur le crédit foncier en Égypte (une initiative commune avec la Banque mondiale), l’autre sur l’urbanisme, l’habitat et le crédit foncier en République démocratique du Congo. D’entrée de jeu, l’auteur postule qu’il existe en Occident une conception commune de l’ordre juridique, fondée sur une communauté de valeurs qu’il s’attelle à définir et à répertorier tout en identifiant les intérêts qu’on cherche à promouvoir et à protéger. Il entreprend pour ce faire l’étude comparée du droit des sûretés dans plusieurs systèmes juridiques occidentaux, au premier plan desquels, ceux du Québec et des États-Unis et, dans une moindre mesure, du Canada anglais. Des références ponctuelles sont également faites aux droits français et anglais, à la fois en leur qualité de référents historiques du droit nord-américain et pour leur rapport à ce droit européen vers lequel ils évoluent. La comparaison est poussée à travers d’autres instruments transnationaux ou internationaux, ainsi que par des références au droit de la faillite (domaine privilégié des priorités et sûretés). Diverses techniques d’harmonisation sont en outre présentées et évaluées. Aux techniques dominantes, l’auteur semble préférer une approche plus souple ou moins monomodale : le modèle américain, note-t-il par exemple, a lancé la réflexion sur le droit des sûretés moderne et, s’il s’agit d’une codification efficace et sophistiquée, il pourrait encore s’inspirer des innovations de systèmes voisins, particulièrement du système québécois. L’analyse est ici d’une facture classique. Théorie du droit du crédit garanti (chapitre 1), évolution des mécanismes (chapitre 2), modalités (chapitre 3), techniques d’harmonisation et limites (chapitre 4), les thèmes abordés et leur ordonnancement sont ceux des ouvrages de droit des sûretés. L’exposé est clair, technique, complet, parfois didactique, conférant à l’ouvrage le caractère d’un texte de référence. Le mérite de cette première partie repose surtout sur son caractère méthodique. La seconde se distingue de son côté par son originalité et présente une analyse empirique par le biais de deux études de cas. Une telle approche demeure somme toute assez rare dans les ouvrages juridiques, même en droit comparé, et elle est, à notre connaissance, inédite en ce qui concerne le droit des sûretés au Québec. Se fondant sur des considérations socioculturelles et anthropologiques et revenant sur l’une des valeurs-clés du modèle occidental, l’auteur amorce alors une étude de la notion d’« État de droit » …

Parties annexes