Recensions

Pierre Prigent, en collaboration avec Gabriella Aragione et Claude Mourlam, Que faire de l’Ancien Testament ? Marcion et Origène répondent. Lyon, Éditions Olivétan, 2022, 180 p.[Notice]

  • Christian Boudignon

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  • Christian Boudignon
    Université d’Aix-Marseille, Centre P.A. Février (CNRS, TDMAM, UMR 7297)

Ce livre de vulgarisation scientifique a un titre prometteur et surprenant : Que faire de l’Ancien Testament ? Une longue introduction (p. 9-26) de Gabriella Aragione fait le point sur la notion d’hérésie dans le christianisme primitif, en s’appuyant notamment sur les travaux d’Alain Le Boulluec, La notion d’hérésie dans la littérature grecque. iie-iiie siècle, Paris, 1985. Pierre Prigent a transformé ce qui a tout l’air d’être des conférences en deux chapitres, l’un consacré à Marcion, l’autre dédié à Origène. Dans la première partie (p. 29-92), l’auteur présente Marcion, en passant très vite sur sa vie, jugée légendaire, et en présentant sa propre opinion sur la reconstruction de l’oeuvre marcionite, telle qu’elle est élaborée par A. von Harnack, Marcion, l’évangile du dieu étranger. Dans la deuxième partie (p. 95-142) sur Origène, après une biographie, vient une présentation du débat autour de l’accusation d’hérésie que l’on a portée contre Origène dans les siècles qui ont suivi sa mort. Suit une courte réflexion sur la question de la liberté chez Origène et sa façon de lire les Écritures. Le livre se termine par une postface (p. 145-173) où Claude Mourlam compare la méthode exégétique d’Origène sur les livres de Josué et Genèse aux tendances modernes de l’interprétation des mêmes passages et propose un regard critique sur la façon de faire d’Origène. Commençons par saluer la volonté de vulgarisation des auteurs. Nous manquons de tels ouvrages et la volonté de s’adresser à un public plus vaste que celui des seuls spécialistes est un effort louable et indispensable. De là vient la difficulté de faire un compte rendu d’un tel ouvrage pour le spécialiste d’Origène que nous voudrions être. Telles ou telles inexactitudes qui vont indisposer le savant ne comptent guère à côté d’une prose accessible et parfois enjouée qui permet au grand public de connaître un moment clé de l’histoire de la lecture de la Bible, dans les débuts du christianisme. Nous avons aussi trouvé de-ci de-là quelques passages inspirants, comme l’affirmation que, loin de vouloir annuler l’Ancien Testament, Marcion « non seulement connaît bien l’Ancien Testament, mais lui reconnaît souvent une réelle autorité » (p. 55). La citation antisémite d’Adolf von Harnack qui en 1921, dans son Marcion, voulait supprimer l’Ancien Testament dans le protestantisme moderne est une perle, triste et sombre, qui montre l’aveuglement de toute une génération de savants : « Mais depuis le xixe siècle, conserver encore [l’Ancien Testament] dans le protestantisme comme document canonique est la conséquence d’une paralysie religieuse et ecclésiale » (p. 52). Elle a le scandaleux mérite de poser la question de l’Ancien Testament dans le christianisme. Notre regret de lecteur est de ne pas avoir trouvé de réponse construite et argumentée, même en conclusion, à la question que pose le titre « Que faire de l’Ancien Testament ? », mais simplement une multitude de microréponses éparpillées au cours de l’ouvrage. Affirmer en conclusion (p. 172) que l’interprétation d’Origène n’est « visiblement jamais en porte-à-faux avec les interprétations que peut susciter une exégèse moderne » n’est pas répondre à la question. D’abord, on sera surpris de cette affirmation de Claude Mourlam, comme si l’exégèse historico-critique était l’alpha et l’oméga de toute interprétation du texte. Si on doit lui reconnaître d’avoir permis un réel progrès dans la compréhension de la Bible en la remettant dans son contexte historique, cette méthode a le grave inconvénient de rendre totalement étranger le lecteur à la Bible hébraïque, qui ne devient plus qu’une collection d’histoires du passé sans lien avec le lecteur. La force d’Origène est justement qu’il part du lecteur, de …

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