Notes critiques

Deux ouvrages récents sur Dieu : André Gounelle et Gérard Siegwalt[Notice]

  • Jean Richard

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  • Jean Richard
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

Les deux ouvrages offrent plusieurs similitudes, tout en étant bien différents. Les auteurs sont deux grands et prolifiques théologiens français de tradition protestante : l’un, André Gounelle, réformé ; l’autre, Gérard Siegwalt, luthérien. Les deux sont à l’origine de l’Association Paul Tillich d’expression française (APTEF). Après une longue carrière d’enseignement universitaire de la théologie (Gounelle à Montpellier, Siegwalt à Strasbourg), les deux sont actuellement à la retraite, un temps propice à la réflexion sur le sens de la foi et de la théologie. Les premiers mots de Gounelle, dans son Avant-propos, indiquent bien le ton de l’ouvrage : « Pour moi, Dieu est avant tout une présence. Cette présence m’accompagne, m’habite et m’anime ; elle me bouscule et m’apaise ; elle m’apporte en même temps réconfort et exigence » (p. 7). Il poursuit, du point de vue théologique cette fois : « Comme toute expérience, cette présence sollicite la pensée, elle demande à être cernée, analysée, scrutée, évaluée et comprise aussi rigoureusement que possible » (ibid.). Dieu est donc en même temps objet d’expérience et de réflexion. Gounelle a déjà fait paraître chez le même éditeur trois ouvrages sur Dieu : Après la mort de Dieu (1974 et 1999), Le dynamisme créateur de Dieu (1980 et 2000). Parler de Dieu (1998 et 2004). S’il récidive, c’est qu’il n’a jamais fini de le penser : « Il me faut penser et dire Dieu parce que j’éprouve sa présence ; mais précisément parce qu’il s’agit d’abord d’une présence et non seulement d’un objet d’étude, je n’arriverai et personne ne parviendra jamais à le penser jusqu’au bout » (p. 8). Cela explique le « toujours et encore » du titre : « Les deux adverbes “toujours et encore” du titre de l’ouvrage ne traduisent pas la lassitude excédée d’une rumination sans fin ou d’un piétinement sans débouché ; ils expriment plutôt de l’émerveillement devant ce que Dieu, à la fois fidèle à lui-même et sans cesse nouveau, a d’inépuisable » (p. 9). Dieu toujours nouveau, c’est le Dieu toujours vivant. Mais la pensée toujours renouvelée de Dieu est aussi l’expression continue de la vitalité et de l’historicité humaines. À chaque étape, à chaque moment de sa vie, l’être humain fait de nouvelles expériences, où le visage de Dieu se reflète de façon différente. Le premier chapitre de l’ouvrage présente la question de Dieu telle qu’elle se pose aujourd’hui. Gounelle le fait de façon originale, à l’aide de trois paraboles. J’en retiens la première, proposée par Anthony Flew. Elle illustre bien la différence entre le croyant (théiste) et l’incroyant (athée). « Un jour, deux explorateurs arrivent dans une clairière au beau milieu de la forêt vierge. Cette clairière est très belle : quantité de fleurs et de mauvaises herbes y poussent. L’un des explorateurs affirme : “Il doit nécessairement y avoir un jardinier qui entretient cette clairière.” L’autre explorateur n’est pas d’accord : “Il n’y a aucun jardinier” » (p. 11-12). Le sens est clair. La clairière, c’est le monde ; l’hypothétique jardinier, c’est Dieu, le créateur du monde ; mais ce créateur est invisible et indémontrable, ce qui est source de dissension. Gounelle admet qu’un tel jardinier invisible est « quelqu’un qui correspond à l’image habituelle de Dieu dans notre culture » (p. 12). Mais voilà ce qui ne va pas. Et voilà par où doit commencer la discussion : non pas par la question de l’existence de Dieu, mais par celle de l’idée qu’on s’en fait. Gounelle renvoie donc ici à la distinction, qui se trouve déjà chez Calvin, entre « croire que Dieu existe » et « croire en …

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