Recensions

Andrew P. Wilson, Critical Entanglements : Postmodern Theory and Biblical Studies. Leiden, Boston, Koninklijke Brill NV (coll. « Brill Research Perspectives in Biblical Interpretations », 3.3), 2019, vi-68 p.[Notice]

  • Sébastien Doane

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  • Sébastien Doane
    Université Laval, Québec

Ce livre présente les origines du concept de postmodernité ainsi que son apport en études bibliques. La première partie du livre explore la modernité et la postmodernité comme concepts épistémiques par un regard original sur l’art visuel contemporain. Wilson utilise Fontaine (1917) de Marcel Duchamp, un urinoir présenté comme oeuvre d’art, pour soulever des questions fondamentales. Qu’est-ce qu’une oeuvre/un texte ? Qu’est-ce qu’un auteur ? Quels sont les critères pour l’évaluer ? Qui contrôle sa signification ? Quelles sont les règles d’une institution ? La deuxième partie du livre présente une articulation de la postmodernité selon Lyotard comme subversion des métarécits modernes. Assez courte, cette section se limite à la présentation d’une façon d’articuler la postmodernité. La troisième partie du livre décrit comment la postmodernité a marqué l’interprétation biblique. Les oeuvres de Lacan, Foucault, De Mann et Derrida ont permis le développement d’études bibliques, surtout par le poststructuralisme. Des exemples tirés de la revue Semeia montrent comment cette influence a posé un défi aux compréhensions traditionnelles de la textualité en exégèse. Une stratégie importante est d’interpréter la Bible à partir de lieux qui n’étaient pas habituels pour l’historico-critique : Hollywood, le trauma, le post-humanisme, les études animales, l’expérience des enfants… Pour Wilson, c’est surtout l’aspect éthique de l’épistémologie postmoderne qui a influencé les études bibliques. Les regards périphériques des études féministes, womanist, postcolonial, minority readings, interprétations queer…, posent un défi pour les traditions interprétatives historico-critiques. La postmodernité permet des ouvertures vers des perspectives marginales et déstabilisantes. Elle aide à penser la Bible à partir du local au lieu de l’universel. L’exemple d’Yvonne Sherwood, avec son interprétation féministe de déconstruction, montre comment les normes associées au genre sont déstabilisées par une façon postmoderne de lire la Bible. Elle utilise notamment l’art moderne subversif pour mieux comprendre les prophètes bibliques. Sans revendiquer explicitement une appartenance au postmodernisme, Sherwood reprend des éléments postmodernes pour exposer les angles morts des conventions et des traditions exégétiques grâce à une pratique de lecture à partir de nouvelles perspectives. Pour Wilson, malgré plusieurs décennies de contact avec des réflexions postmodernes, l’exégèse reste liée à l’épistémologie moderne puisqu’elle vise souvent à retrouver un sens au texte en le situant dans un contexte historique d’origine. Ainsi les perspectives postmodernes ont causé des tensions si fortes qu’une série de débats entre John J. Collins et George Aichele décrit les deux groupes comme des camps ennemis. Wilson décrit cette polémique, mais veut passer à autre chose. « This back and forth between modernism and postmodernism may mislead one into thinking that they are independent epistemic companions when, really, they might be better described as co-dependent or at the very least enmeshed » (p. 38). Le titre de ce livre présente le rapport entre modernité et postmodernité comme un enchevêtrement qui peut se vivre sans antagonisme. La dernière partie du livre présente l’histoire de la réception comme une approche à la fois historiographique et influencée par les théories postmodernes. L’histoire de la réception devient un exemple où les études bibliques peuvent intégrer la critique postmoderne à la critique historique si importante pour l’exégèse depuis les Lumières. L’approche de Wilson pour l’histoire de la réception s’appuie sur une vision expansive de la textualité postmoderne ainsi que sur les enjeux éthiques reliés aux dynamiques institutionnelles des études bibliques. La question centrale dans cette version de l’histoire de la réception est : « What constitutes the text-specifically, what are the locations, the limits, and the effects of biblical texts » (p. 49) ? Au lieu de voir la réception comme un ajout, il s’agit de donner une valeur importante aux contextes …

Parties annexes