Recensions

Jean-Luc Gouin, Hegel. De la Logophonie comme chant du signe. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2018, xxvi-313 p.[Notice]

  • Thomas Anderson

…plus d’informations

  • Thomas Anderson
    Université de Montréal

« Puisse ce livre de philosophie se voir également reçu comme un livre philosophique » (p. xvii) : voilà l’adresse par laquelle J.-L. Gouin prévient d’emblée son lecteur qu’il s’apprête à entrer aussi bien dans un ouvrage sur Hegel que dans une méditation avec Hegel. Le livre se présente de fait sous une forme inorthodoxe, proche de celle d’un recueil, dans lequel se côtoient une série d’articles au style académique (coloré) et une collection d’essais plus libres, tous habités par une fréquentation de l’oeuvre hégélienne et des études qui en ont structuré la réception. L’ambition qui traverse l’ouvrage consiste à ouvrir une voie vers une compréhension globale du système de Hegel en remontant à sa racine, perdue de vue, selon l’auteur, par les principaux critiques appartenant à la « tradition européo-française » du xxe siècle (p. xv). Cette racine est la raison, comprise trop souvent et à tort comme un postulat premier, ou encore comme une thèse appliquée uniformément à l’ensemble de la réalité pour l’appréhender, quitte à trahir les domaines de l’empirique, du contingent, de l’insondable. Or, la raison n’est ni suspendue à un acte de foi, ni plaquée en bloc sur un monde qui lui serait par essence étranger, mais elle est, bien au contraire, la source de tout sens possible, l’instance qui juge du vrai et du faux, de la rationalité ainsi que de l’irrationalité du réel. Hors de la raison : point de sens. Les trois premiers chapitres forment une section intitulée « Hegel saisi à bras-le-corps » et visent à étayer progressivement cette idée centrale. Les cinq chapitres de la seconde section (« Hegel. Et puis après ? ») alternent entre réflexions personnelles de l’auteur et déconstruction des lieux communs qui ponctuent les attaques contre la philosophie de Hegel depuis deux siècles. Trois scolies clôturent enfin l’ouvrage au sein d’une section de type varia, dans laquelle le lecteur retrouve des additions de toutes sortes, allant d’une bibliographie d’initiation à Hegel jusqu’à un commentaire portant sur Merleau-Ponty et l’hégéliano-marxisme. Le triptyque de la première section contient le noyau argumentatif de l’ouvrage. La raison repose-t-elle en définitive sur une « décision arbitraire » du philosophe qui choisit, presque par un pari, d’y assimiler le monde ? Certains lecteurs ont voulu faire d’une « foi » en la raison le fondement caché de l’affirmation controversée, par Hegel, de la rationalité du réel (« Ce qui est rationnel est effectif ; et ce qui est effectif est rationnel »). Le premier chapitre défend, à l’inverse, que la rationalité est une « évidence » impliquée par la tâche même de comprendre ce qui est. Par une image parlante, l’auteur suggère que la raison est le « ring » au sein duquel seul peut avoir un sens la dispute au sujet de l’intelligibilité du monde, de l’histoire, de la vie, et de tout objet en général (p. 11). Les tenants de la lutte ne peuvent échapper au ring et statuer sur la raison en adoptant une position extérieure à elle : dès lors, la tâche de la philosophie est de réfléchir de l’intérieur le rapport de la raison avec ses objets, pour ainsi justifier son droit à configurer l’horizon de la connaissance possible. Le second chapitre présente ce que J.-L. Gouin considère être la « structure fondamentale » du sens dans la philosophie de Hegel (p. 29). Cette matrice se déploie comme suit : Sujet-Négativité-Résultat-Réconciliation. Le propos prolonge l’idée développée en ouverture : cette structure n’est pas apposée sur une réalité auto-subsistante par un sujet extérieur cherchant à la comprendre, mais se révèle, bien plutôt, le sens …

Parties annexes