Recensions

Jean Grondin, La beauté de la métaphysique. Essai sur ses piliers herméneutiques. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Philosophie & Théologie »), 2019, 192 p.[Notice]

  • Nicolas Comtois

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  • Nicolas Comtois
    Université de Montréal

Cet ouvrage s’inscrit dans l’effort de Jean Grondin, connu avant tout pour ses travaux sur les grandes figures de l’herméneutique contemporaine (Heidegger, Gadamer, Ricoeur), de proposer une philosophie originale. Il se présente comme un essai et il prend, à l’occasion, un tour personnel. La réflexion qui s’y développe repose néanmoins sur des fondements qui peuvent être qualifiés de systématiques et qui ont été exposés précédemment dans Du sens des choses. L’idée de la métaphysique (PUF, 2013). Grondin s’inscrit en faux contre l’idée du dépassement de la métaphysique : il montre que l’herméneutique contemporaine propose elle-même, qu’elle le reconnaisse ou non, une réflexion métaphysique. La beauté de la métaphysique constitue une tentative de mettre en lumière les idées qui sont au principe de la tradition métaphysique et d’en défendre la pérennité face à l’esprit nominaliste qui s’est emparé de la culture et qui, du point de vue de l’auteur, empêche de reconnaître le sens que présentent manifestement les choses. L’interprétation de l’auteur est développée dans les trois premiers chapitres de l’ouvrage. Il y est d’abord question (ch. 1) de ce que celui-ci appelle les trois « piliers » de la métaphysique, métaphore dont on comprend rapidement qu’elle renvoie aux trois disciplines que sont l’ontologie, la théologie et l’anthropologie. La métaphysique, selon l’auteur, trouve son point de départ dans le constat que les choses se présentent selon un certain ordre ; ce constat conduit à une interrogation au sujet du principe qui rend un tel ordre possible ; le projet ainsi entrepris exige une recherche au sujet de la manière dont celui même qui interroge participe à l’ordre des choses. On remarque d’emblée dans cette vision des origines de la métaphysique ce que l’on serait tenté d’appeler un parti pris ontologique : les phénomènes présentent immédiatement une forme d’harmonie. Ce parti pris trouve sa justification dans une expérience, celle de la beauté, que l’auteur nous invite à redécouvrir (ch. 2) et qui constitue pour lui le « sol » de toute métaphysique consciente d’elle-même. L’exposé prend alors un tour platonicien. Platon, rappelle l’auteur, appelle la beauté l’ekphanestaton, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus resplendissant, et il voit la raison d’être de cet éclat, précisément, dans l’ordre inhérent à toute chose belle. La beauté, poursuit-il, transcende la chose et elle renvoie finalement à l’idée qui, pour Platon, est le principe de tout être et de toute réalité : l’idée du bien. Ce qui intéresse avant tout l’auteur dans cette vision du beau est probablement la manière dont s’y trouvent liées ontologie et morale. La même idée d’unité apparaît en effet lorsque celui-ci défend (ch. 3) ce qui constitue vraisemblablement sa propre position philosophique : la métaphysique a pour origine un questionnement herméneutique et elle a pour vocation d’être la « racine » de la philosophie. L’auteur traduit comme suit la phrase avec laquelle s’ouvre la Métaphysique d’Aristote : « Tous les hommes aspirent par nature à comprendre. » C’est une manière pour lui de lier le questionnement métaphysique à l’effort de compréhension dans lequel l’herméneutique reconnaît la spécificité de l’être humain. La métaphysique apparaît dès lors comme un questionnement au sujet du sens que présentent les choses et comme l’origine de l’entreprise du savoir dans son ensemble. Ce n’est que si l’on reconnaît ce rôle à la métaphysique, soutient l’auteur, que la philosophie peut prétendre procurer une sagesse. L’originalité de l’ouvrage réside dans la manière dont celui-ci rappelle à l’attention contemporaine des thèmes classiques dont on aurait tort de croire qu’ils ont été définitivement dépassés ou déconstruits. Un tel effort ne peut cependant manquer de faire l’objet des reproches que …