Recensions

Anne-Lise Darras-Worms, Plotin, Traité 31 (V, 8) : Sur la beauté intelligible. Introduction, traduction, commentaire et notes. Paris, Librairie Philosophique J. Vrin (coll. « Bibliothèque des textes philosophiques - Les écrits de Plotin »), 2018, 303 p.[Notice]

  • Richard Dufour

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  • Richard Dufour
    Université Laval, Québec

Une première version de cet ouvrage a été défendue par l’auteur en 2013 pour obtenir son habilitation à diriger des recherches à l’Université de Strasbourg. Il s’agit donc d’un travail qui a mûri et qui s’est nourri des commentaires formulés par un jury de spécialistes. Le volume adopte la structure classique de la collection « Les écrits de Plotin », fondée par Pierre Hadot et publiée d’abord aux Éditions du Cerf, puis à la Libraire Philosophique J. Vrin. Les lecteurs familiers de cette collection se trouvent donc en terrain connu. Le livre s’ouvre sur une introduction de 48 pages. Le point saillant est la position de Darras-Worms sur la place de ce traité dans la « tétralogie anti-gnostique ». Depuis l’étude réalisée par Richard Harder en 1936, la majorité des spécialistes de Plotin considèrent que les traités 30 à 33 ne formaient à l’origine qu’un seul traité, que Porphyre aurait scindé lorsqu’il a édité le corpus plotinien. Les quatre traités devraient être lus comme un long texte dirigé contre les gnostiques. Darras-Worms adopte cette position, mais avec une nouvelle nuance. Elle aborde la question en invoquant une communication inédite de P. Hadot, qu’il aurait prononcée au Collège de France en 2005, et dans laquelle il se penchait sur la tétralogie. Selon Hadot, il serait clair que les traités 30 à 32 formaient une sorte d’écrit préparatoire au traité 33, qui attaque plus spécifiquement les gnostiques. Ces traités établissaient les principes fondamentaux qui permettaient ensuite à Plotin de réfuter les gnostiques. Darras-Worms argumente en faveur de la tétralogie en adoptant les mêmes arguments que R. Harder à l’époque. Mais la nuance qui apparaît au lecteur est qu’elle ne défend que la cohésion des traités 30 à 32. Son exposé n’introduit pas le traité 33 comme une partie intégrante des traités précédents. Elle donne l’impression de prendre à la lettre les propos de P. Hadot en considérant les traités 30-32 comme un seul traité qui préparerait le traité 33. Avant de passer à la traduction française du traité, Darras-Worms énumère les modifications apportées au texte grec. L’édition retenue est l’editio minor de P. Henry et H.-R. Schwyzer, notée H-S2, avec des renvois occasionnels à l’editio maior, notée H-S1. Des inexactitudes se sont glissées dans cette liste de modifications. En 7, 7, Darras-Worms dit revenir à H-S1 en lisant διατιθέντα au lieu du διατεθέντα de H-S2. Or, H-S1 et H-S2 impriment le même texte, διατεθέντα, qui est la leçon des manuscrits. Elle adopte en fait une correction de Perna. En 8, 8, elle affirme adopter ἐναργεστέρων avec les manuscrits et Kirchhoff. Il s’agit plutôt d’une correction de Kirchhoff, qui ne correspond pas à la leçon des manuscrits, qui portent ἐνεργεστέρων, que reprirent H-S1 et H-S2. En outre, le tableau des modifications au texte grec mentionne H-S5, sans que cette abréviation soit explicitée dans l’ouvrage. Les habitués devineront qu’il s’agit des « Corrigenda ad Plotini textum » par Henry et Schwyzer, alors que les autres devront ouvrir une autre traduction de Plotin dans cette collection pour découvrir de quoi il retourne. Il n’est d’ailleurs pas évident de savoir si l’auteur a tenu compte des Addenda proposés à la fin de l’editio minor et qu’il est de bonne méthode de consulter. Il semblerait que non, car les Addenda mentionnent une erreur typographique en 9, 1, où un του̃το a été imprimé à la place d’un του̃τον. La traduction proposée laisse croire que Darras-Worms a traduit l’erreur typographique, même si cela ne modifie pas trop le sens de …