Recensions

Michel Federspiel, Aristote. Du ciel. Texte introduit, traduit et commenté par Michel Federspiel. Mis à jour par Victor Gysembergh. Préface d’Aude Cohen-Skalli. Paris, Société d’Édition Les Belles Lettres (coll. « La Roue à livres », 76), 2017, xviii-410 p.[Notice]

  • Richard Dufour

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  • Richard Dufour
    Université Laval, Québec

Michel Federspiel enseigna le grec toute sa carrière à l’Université de Clermont-Ferrand (1966-2002). À partir des années 1970, il se donna pour objectif de traduire et de commenter dix opuscules pseudo-aristotéliciens et un traité aristotélicien. Il y travailla jusqu’à sa mort en 2013. L’éditeur Les Belles Lettres accepta de publier les travaux de Federspiel, qui paraîtront en cinq tomes dans la collection « La Roue à livres ». Le premier titre à sortir des presses contient le traité aristotélicien Du ciel. Victor Gysembergh fut chargé de la révision du manuscrit et de la mise à jour scientifique. Il ajouta des notes complémentaires, une bibliographie bonifiée et un index. Par son origine, le volume est plus érudit que les autres titres parus dans cette collection. Le commentaire prend la forme d’une analyse suivie, structurée selon la numérotation Bekker, sans appels de notes dans la traduction. L’ouvrage de Federspiel offre la quatrième traduction française commentée du traité Du ciel. Ce dernier a en effet été publié en français dans les traductions modernes de J. Tricot (Vrin, 1949), de P. Moraux (Les Belles Lettres, 1965) et de C. Dalimier-P. Pellegrin (Flammarion, 2004). La force de Federspiel tient à notre avis dans son expertise en tant que traducteur de textes scientifiques et techniques anciens. Il aborde le traité Du ciel dans une perspective que ne pouvaient avoir ses prédécesseurs, avant tout philosophes de formation. Une introduction de quatre-vingt-sept pages, abondamment annotée, précède la traduction. La première partie s’intéresse à la structure et au plan du traité. Federspiel s’interroge sur l’unité du traité. A-t-il une cohérence interne ou résulte-t-il d’une juxtaposition de textes aristotéliciens datant de périodes diverses ? La question se pose depuis longtemps sans qu’un consensus ait été atteint. Federspiel énumère les positions défendues au fil des spécialistes, puis refuse de prendre position. Il renvoie le lecteur à la documentation pertinente qu’il a citée. Le reste de la première partie résume les principaux thèmes relevant des quatre livres du traité Du ciel. La deuxième partie de l’introduction se penche sur la cosmologie et la mécanique à l’oeuvre dans le traité. En divisant l’univers en deux zones, la région supralunaire composée d’éther et la région sublunaire composée des quatre éléments traditionnels, Aristote donne une orientation particulière à sa mécanique. Les mouvements naturels des corps diffèrent selon la région : l’éther se meut en cercle, alors que les corps d’ici-bas se déplacent en ligne droite vers le haut ou vers le bas. Federspiel explique clairement les difficultés que rencontre la mécanique aristotélicienne. Le Stagirite ignorait le principe d’inertie, ce qui l’obligea à postuler que le mobile ne se meut que sous l’action du moteur, qui doit toujours agir sur le mobile pour que celui-ci se déplace. De plus, Aristote n’arriva pas « à lier le poids d’un corps à sa densité, à sa quantité de matière ou masse et à l’accélération de la pesanteur en un point donné » (p. 26). C’est pourquoi il dut octroyer des mouvements naturels aux éléments, vers le haut ou vers le bas, afin d’expliquer le lourd et le léger. La troisième partie de l’introduction s’attarde aux critiques qu’Aristote adresse à Platon dans le traité Du ciel. Sauf exception, Aristote évoque Platon pour le critiquer. Il s’en prend avant tout au Timée et à la théorie des éléments que propose ce dialogue. Federspiel ne manque pas de souligner la mauvaise foi d’Aristote à l’égard de son maître, comme aussi les arguments trop cryptiques ou incomplets pour être vraiment compréhensibles. La quatrième partie discute de la méthodologie qu’Aristote emploie dans le traité. La principale méthode utilisée distingue …