Recensions

Gérard Colas, Penser l’icône en Inde ancienne. Turnhout, Éditions Brepols (coll. « Bibliothèque de l’École des Hautes Études — Sciences religieuses », 158), 2012, 215 p.[Notice]

  • André Couture

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  • André Couture
    Université Laval, Québec

Directeur de recherche au CNRS (Paris), Gérard Colas est surtout connu par ses travaux sur la tradition rituelle vaikhānasa : d’abord une traduction et une étude d’extraits de la Marīcisaṃhitā, Le temple selon Marīci (Pondichéry, 1986) ; puis une étude d’ensemble de cette tradition intitulée Viṣṇu, ses images et ses feux. Les métamorphoses du dieu chez les vaikhānasa (Paris, 1996). Dans la suite de ces travaux, il a publié plusieurs articles importants sur l’image divine, dont « L’instauration de la puissance divine dans l’image de temple en Inde du sud » (Revue de l’Histoire des Religions, 206 [1989], p. 129-150), « The Competing Hermeneutics of Image Worship in Hinduism (Fifth to Eleventh Century ad) », dans P. Granoff, K. Shinohara, éd., Images in Asian Religions : Texts and Contexts (Vancouver, 2004, p. 149-179). Les chapitres vi et vii du présent livre ont aussi fait l’objet d’une première version en anglais, soit « Pratiṣṭhā : Ritual, Reproduction, Accretion », dans A. Zotter, C. Zotter, éd., Hindu and Buddhist Initiations in India and Nepal (Wiesbaden, 2010, p. 319-339) ; et « God’s Body : Epistemic and Ritual Conceptions from Sanskrit Texts of Logic », dans A. Michaels, C. Wulf, éd., Images of the Body in India (Routledge, New Delhi, 2011, p. 45-55). La série d’études réunies dans ce livre vise à faire comprendre le rôle de l’image divine dans la société indienne jusqu’au xiie siècle. Gérard Colas a choisi de désigner ces images sous le nom peu habituel d’« icône » et s’en explique d’une façon qui me semble convaincante (p. 12). Ces études partent d’un constat : « […] l’archéologie connaît l’existence de sculptures religieuses dans le sous-continent dès avant notre ère et, depuis, cette région a vu se répandre massivement les icônes et leur culte, mais les textes de la période considérée n’évoquent que rarement les opinions indiennes sur les icônes » (p. 9). Et cette relative absence de mentions de l’icône pendant cette période se précise de la façon suivante en conclusion du livre : Même si elle n’a jamais été attaquée de front pendant cette période, l’icône est restée présente, immobile, à l’arrière-plan des débats intellectuels ou sociaux. Gérard Colas ne prétend pas faire de l’histoire de l’art, et ne voudrait pas que l’on comprenne ainsi le sens de sa contribution. Même quand on ne discute pas de sa pertinence, l’icône, selon lui, n’a cessé de faire penser. Ce qu’il recueille dans ces pages, ce sont les réflexions qui se sont élaborées discrètement autour ou en marge de l’icône, des réflexions suscitées par son existence même. Il exprime ainsi son propos : « Déterminer différents points de vue et pensées à l’égard de l’icône, montrer des discrépances, ambiguïtés et discordances observables jusqu’au xiie siècle, tel est l’objet de ce travail » (p. 13). À la première lecture, les sept chapitres de cette étude pourront paraître décousus, mais dans l’ensemble, je pense que l’on peut faire confiance à l’acribie de l’historien. Ces chapitres suivent l’icône indienne au fil du temps, tout en gardant à l’esprit certains thèmes récurrents comme l’analogie de l’icône et du corps divin, l’instrumentalisation de l’icône par les élites sociales et intellectuelles, la place de l’icône dans la hiérarchie du divin, le lien entre les reliques et les icônes, etc. Le chapitre i (« Dieux de mots : le védisme ancien », p. 19-40) survole l’hindouisme ancien de l’époque harapéenne à la fin du védisme en quête d’images ou de paroles faisant image. Le chapitre ii (« Politiques anciennes de l’icône », …