Recensions

Serge Cantin, Marjolaine Deschênes, dir., Nos vérités sont-elles pertinentes ? L’oeuvre de Fernand Dumont en perspective. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, xiv-360 p.[Notice]

  • Sylvain Lavoie

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  • Sylvain Lavoie
    Université Laval, Québec

L’oeuvre de Fernand Dumont n’a pas fini de donner à penser. Professeur au Département de sociologie de l’Université Laval jusqu’à la fin des années 1980 et docteur en théologie, les travaux de Dumont ont porté principalement sur la théorie de la culture, la philosophie des sciences humaines et la situation du christianisme contemporain. Un colloque international et multidisciplinaire s’est tenu à Trois-Rivières en mai 2007, dix ans après la mort de Dumont, afin de revisiter l’oeuvre et la pensée de cet intellectuel influent, qui fut aussi un écrivain de talent et un homme de foi. Ce colloque avait pour ligne directrice le questionnement suivant : « Nos vérités sont-elles pertinentes pour l’ensemble des hommes ? » Suite à ce colloque, une trentaine de textes ont été regroupés dans ce recueil divisé en huit parties, dont les titres renvoient à des thèmes directeurs de la pensée dumontienne. Pour chacune de ces sections, quelques contributions importantes seront présentées. La première partie de l’ouvrage porte sur l’épistémologie dumontienne. D’abord, Serge Cantin expose la complexité de la question de la pertinence de l’anthropologie. Pour l’auteur, celle-ci tient au statut de l’intellectuel dans nos sociétés. À partir de L’Anthropologie en l’absence de l’homme, Cantin montre comment Dumont envisage le lien entre le travail de l’intellectuel et le déracinement de la culture. Le savoir anthropologique que suggère cette articulation exige une épistémologie de la pertinence sur le plan éthique et politique. Mais cette épistémologie de la pertinence est-elle encore valable aujourd’hui ? Cette question est débattue par Claude Javeau, Julien Goyette, Serge Gagnon et Jacques Racine dont les propos sont recueillis dans le dernier texte de la section. Pour Javeau, cette pertinence doit être comprise selon un « horizon de significations » (p. 36), qui est celui des cultures que le sociologue doit reconstruire. Pour sa part, Goyette insiste sur l’écueil qui consiste à voir dans l’épistémologie dumontienne une protestation contre la vérité et la science. Ensuite, Serge Gagnon réitère l’actualité de la critique dumontienne de la connaissance. Même si l’auteur concède qu’une épistémologie de l’anthropologie est éclairante, il exprime une réserve sur l’idée qu’une autorité se donne le pouvoir de sélectionner les objets de la recherche. Enfin, Jacques Racine affirme que la question qui sous-tend toute l’épistémologie dumontienne est celle de « la légitimité éthique du travail anthropologique » (p. 48). Cette question doit être au coeur de toute pratique théologique véritable puisqu’elle renvoie sans cesse le théologien à la communauté des hommes et des croyants à laquelle il appartient. La deuxième partie de l’ouvrage traite d’une question transversale chez Dumont, celle d’une théorie de la culture. Dans un premier temps, Jacques Beauchemin dégage les conditions d’un projet éthique et social à partir de la critique dumontienne de la modernité. La culture et son dédoublement mettent en lumière une critique de la modernité à travers le constat de l’autonomisation de la culture seconde et de ses oeuvres. Pour Beauchemin, cela alimente une méfiance à l’égard des oeuvres issues de la culture seconde et d’un attachement à ce qui relève de l’origine, de la mémoire et de la communauté de culture. Claude Javeau poursuit cette réflexion en traitant des conceptions duelles de la culture dans l’oeuvre de Dumont. Ce dédoublement de la culture correspond à « une tension perpétuelle entre les deux moments de la culture, caractérisée tantôt par le couple dispersé/institutionnalisé, tantôt par le couple milieu/horizon » (p. 68). Ces moments ne sont pas à considérer comme séparés, mais comme des voies selon lesquelles la culture est construite ou vécue. La troisième partie concerne la genèse et les filiations de la pensée dumontienne. Micheline …