Recensions

Jean-François Malherbe, Sujet de vie ou objet de soins ? Introduction à la pratique de l’éthique clinique. Montréal, Éditions Fides, 2007, 471 p.[Notice]

  • Jacques Quintin

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  • Jacques Quintin
    Université de Sherbrooke

Sujet de vie ou objet de soins ? Telle est la question à laquelle Jean-François Malherbe nous propose de répondre dans son dernier livre Sujet de vie ou objet de soins ? Introduction à la pratique de l’éthique clinique. On pourrait facilement penser que nous devons choisir entre les deux options, comme si nous étions aux prises avec un dilemme et qu’il ne pouvait pas y avoir deux réponses possibles puisque la logique du tiers exclu nous le défendrait. L’auteur, en reprenant des parties intégrales et remaniées d’ouvrages publiés antérieurement ou diverses conférences prononcées ici et ailleurs, montre que la pratique de la philosophie en contexte d’éthique clinique sert à rendre la vie des patients et la vie pratique des cliniciens plus intelligible en amenant au niveau conceptuel les normativités implicites. Le but d’un tel exercice philosophique, ou d’éthique appliquée, n’est pas de proposer de nouvelles normativités à la pratique médicale, mais de cultiver l’autonomie des êtres humains comme celle des praticiens. Ceux-ci, en renonçant à l’attitude de tout vouloir maîtriser, se mettent au service des êtres humains. Est-il encore possible de se mettre au service de l’être humain étant donné le contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui ? Le livre tente de réagir à cette difficile question qui laisse entendre que l’être humain souffre énormément en raison des différentes normativités extérieures qui le régissent et sous lesquelles il ne se reconnaît pas. Mais plus que tout, si l’être humain souffre, c’est en raison de sa condition humaine, donc de sa finitude, de sa solitude et de son incertitude. Cependant, la pire souffrance pour l’être humain est justement de ne pas être reconnu dans la souffrance qu’il traîne avec lui tout au long de sa vie, sa condition étant d’être, en présence d’autrui, incarné dans un corps. C’est ainsi que, malgré le fait que tout soit possible, certains choix déchirent et entraînent l’être humain dans une spirale d’activités consistant à effectuer d’autres choix ad infinitum pour satisfaire ses besoins comme ses désirs. La question n’est pas tant de savoir comment combler cet écart entre ce que je suis maintenant et ce que je désire devenir ultérieurement, mais comment assumer ma présence au monde en étant ce que je suis en train de devenir ? L’auteur montre que pour améliorer sa propre vie, il faut redevenir le sujet de sa vie en devenant son propre juge, car « l’être humain est un être dont la destinée est d’accoucher de soi-même, de devenir soi-même » (p. 31) à l’exception près que l’être humain doit surmonter plusieurs obstacles sur son chemin de vie. Comme l’indique l’auteur, « l’éthique […] est en effet une école de formation à l’autonomie de jugement » (p. 15). Pour ce faire, le philosophe ou l’éthicien devient un chien de garde qui dénonce les formes de l’injustice, de l’indignation et de la violence et rappelle à l’être humain de quel idéal il est investi. Les principaux obstacles sont la science, la religion, voire l’éthique lorsque celles-ci propagent une idéologie de la certitude cherchant à « nier notre radicale faillibilité » à partir de laquelle s’impose la question de la finalité. Plus que tout, c’est la question de la finalité qui est évacuée de notre conscience. L’éthique, en nous ordonnant de faire confiance à notre propre jugement, nous apprend, en plus de penser par soi-même, « à ne plus chercher d’impossibles certitudes et à vivre avec son incertitude » (p. 16). Elle nous enseigne à vivre dans l’incertitude, dans la solitude et la finitude d’une manière qui soit le plus juste possible. Cette justesse est le noeud du problème, …