Recensions

Emilio Brito, Philosophie et théologie dans l’oeuvre de Schelling. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Philosophie & Théologie »), 2000, 226 p.[Notice]

  • Nicolas Pelletier

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  • Nicolas Pelletier
    Université Laval, Québec

Auteur de plusieurs ouvrages sur la pensée religieuse de l’idéalisme allemand, dont le colossal La Création selon Schelling. Universum, paru en 1987, Emilio Brito propose maintenant un livre plus modeste en apparence mais plus vaste quant à son objet. Comme le titre l’indique, il y est question du rapport de la philosophie de Schelling à la théologie. Plus précisément, grâce à une « coupe longitudinale » pratiquée sur toute l’oeuvre de Schelling, l’auteur retrace la genèse de la théologie du philosophe. Son oeuvre entière est présentée comme le devenir d’une philosophie qui, se critiquant elle-même, s’achemine vers un épanouissement théologique. Conformément au découpage traditionnel en quatre périodes de la pensée de Schelling, l’ouvrage se compose de quatre parties dont l’importance va croissant, suivant la place accordée dans la pensée de Schelling à la théologie. Le premier chapitre — « Les débuts : de la théologie à l’idéalisme transcendantal » — s’ouvre par le rappel des débuts théologiques du philosophe : ses études au Stift de Tübingen et ses premiers écrits sur le mal et le mythe. Toutefois, comme le souligne Brito, le jeune séminariste aura tôt fait de se détourner de l’influence des théologiens et de leur conception d’un Dieu personnel (p. 207) pour se consacrer à la philosophie, dans le sillage du criticisme de Fichte et du dogmatisme de Spinoza. Le deuxième chapitre — « Philosophie de l’identité et théologie » — s’intéresse au « règne court, mais incontesté, de Schelling sur les penseurs de son temps » (Xavier Tilliette, cité p. 49). Suivant de près la Darstellung de 1801 puis Philosophie et religion (1804), l’auteur offre un tableau de la solution schellingienne aux principaux problèmes de la philosophie que sont « la doctrine de l’Absolu, la naissance éternelle des choses et leur rapport à Dieu » (p. 54). Sous le signe de l’identité absolue, la philosophie retrouve ce contenu authentique que Kant avait relégué à la foi. « La philosophie possède par essence le clair savoir de ce que la non-philosophie s’imagine appréhender dans la foi » (p. 54). Ce sont cependant les Leçons sur la méthode des études académiques (1803) qui retiennent surtout l’attention de Brito, puisque ces leçons contiennent les développements les plus explicites de la philosophie de l’identité concernant la théologie (p. 58). La philosophie y est conçue comme la science de toutes les sciences (p. 58), comme science du savoir originaire (p. 64) dont la possibilité se fonde sur l’identité de l’idéal véritable et du réal véritable (p. 58). La théologie, quant à elle, occupe une place supérieure à celle des deux autres sciences positives que sont la science de la Nature et celle de l’Histoire, puisqu’elle est « la science immédiate de l’être absolu et divin » et qu’en elle « se trouve objectivé le coeur de la philosophie » (p. 208). La troisième partie — « Philosophie des “Weltalter”, théosophie et théologie » — est consacrée à la période intermédiaire de la pensée de Schelling. Les Recherches sur la liberté humaine (1809), les Conférences de Stuttgart (1810), le dialogue Clara, l’écrit contre Jacobi (1812), la réponse à Eschenmayer (1813) et la version de 1811 des Weltalter y sont successivement étudiés. À cette époque, Schelling se montre davantage attaché aux énoncés de la tradition théologique que dans la période précédente, mais, selon Brito, sa pensée subissant encore trop fortement l’emprise de la méthode idéaliste, la notion de Dieu comme personnalité libre demeure toutefois soumise au nécessitarisme (p. 209). Ainsi, la prison conceptuelle dans laquelle Schelling s’est enfermé ne lui permet pas encore de penser la liberté en Dieu dès le commencement. …