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Présentation[Notice]

  • Larisa Dryansky et
  • Érika Wicky

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  • Larisa Dryansky
    Université Paris-Sorbonne / INHA

  • Érika Wicky
    F.R.S. – FNRS / Université de Liège

Dans Projections, les transports de l’image, ouvrage important paru en 1997 à l’occasion d’une exposition présentée au Fresnoy, Dominique Païni posait la question suivante : « Faut-il en finir avec la projection au terme de ce siècle, au terme de ce millénaire ? » Presque vingt ans plus tard, on peut constater que la projection a parfaitement trouvé sa place dans le troisième millénaire et que, loin d’être obsolète, elle ne saurait se penser aujourd’hui indépendamment de ses développements numériques et du rôle qu’elle joue dans la transposition des savoirs et des oeuvres de la page imprimée à l’écran. De cette actualité de la projection témoigne, ainsi que le relève dans ce numéro double Nathalie Boulouch, la manière dont le modèle de la diapositive hante le vocabulaire de la culture de l’écran numérique qui a adopté, entre autres, les termes « diapositives » et « diaporama ». Dans un article justement appelé « Projection: Vanishing and Becoming » (2007), Sean Cubitt invoquait de fait la projection comme l’une des pistes les plus prometteuses de développement des nouveaux médias. Et déjà s’annonce un avenir dans lequel la projection s’émanciperait même de l’écran qui n’était qu’une étape de son histoire. C’est aussi ce que souligne Céline Flécheux dans sa contribution à ce volume, en mettant en évidence une continuité entre les premières recherches en matière de perspective géométrique et les prototypes de « deskfree computers ». Conçus sans écran et dotés d’un projecteur utilisable sur toutes les surfaces, ces appareils s’apprêtent à faire entrer dans notre quotidien des objets imaginés par la science-fiction. Face à ce développement des techniques de projection numérique, le modèle cinématographique qui se trouvait au coeur de l’exposition de Dominique Païni est en net recul et ne suffit plus pour appréhender adéquatement le phénomène protéiforme que constitue aujourd’hui la projection. Plutôt que de regretter cet état de fait ou de nous alarmer de l’omniprésence actuelle des supports numériques, nous souhaitons étudier la projection en l’inscrivant dans d’autres généalogies que celle du cinéma. Suivant une démarche inspirée de l’archéologie des médias, il s’agit de dégager la projection de la perspective téléologique dans laquelle l’enferment trop souvent les études cinématographiques qui ont, par exemple, au fil des expositions organisées par les cinémathèques, défini la lanterne magique comme un dispositif précinématographique. Situer la projection dans d’autres parcours historiques implique aussi de l’envisager dans une chronologie longue qui relie un imaginaire archaïque très ancien et la modernité la plus radicale : des peintures pariétales obtenues par projection de pigment au « projection mapping », technique de projection 3D dont Katarina Korola analyse le potentiel et les limites dans ce numéro. La projection apparaît d’emblée être un « objet » éminemment pluriel et, de ce fait, difficile à saisir. Loin de lui nuire, ce polymorphisme nous paraît être l’une des conditions de la fécondité de la projection. Aussi, tout en nous intéressant de près au dispositif optique de la projection, nous avons souhaité élargir le propos pour inclure d’autres modalités de ce que l’on pourrait nommer le « projectif ». En effet, la projection désigne avant tout le geste de lancer au sens propre et l’extrapolation temporelle au sens figuré, mais aussi une construction géométrique dont Céline Flécheux retrace ici l’histoire ; elle constitue également la dernière étape de la transformation opérée par l’alchimie dont Siegfried Zielinski examine, dans son essai, les enjeux suivant la perspective d’une « temporalité profonde » des médias. Enfin, on ne saurait occulter l’usage que la psychanalyse fait de la notion de projection. Envisagée aussi largement, comme opératrice d’une transformation dans le temps et dans l’espace, la …

Parties annexes