La Belgique : au carrefour des théories européennes de la restauration[Notice]

  • Émilie Tanniou

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  • Émilie Tanniou
    Candidate à la maîtrise, conservation du patrimoine, Université de Genève

Bruxelles, la capitale de la Belgique depuis 1830, se développe au Moyen-âge par le commerce pour devenir rapidement une ville importante. C’est sur la place du marché de Bruxelles appelée Grand-Place qu’est construit l’Hôtel de Ville de Bruxelles au xve siècle, inscrit aujourd’hui sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cet Hôtel de Ville, érigé en style gothique, est en grande partie détruit en 1695 et reconstruit, puis remanié en profondeur au xixe siècle. La façade gothique de l’Hôtel de Ville est alors transformée en néo-gothique. L’idée est de faire un décor plus idéalisé que le style préexistant. Il s’agit de faire remonter l’origine de la nation belge au Moyen-âge à travers l’Hôtel de Ville. En effet, la Belgique veut accroitre le sentiment national de la population. C’est cette transformation qui nous intéresse ici. Nous allons tâcher de retracer les causes du remaniement de l’Hôtel de Ville de Bruxelles à la lumière des idées qui circulent en Europe sur la conservation du patrimoine. C’est vers 1815, parallèlement au développement de la conscience historique, que nait une nouvelle attitude envers l’oeuvre d’art. Celle-ci est perçue pour la première fois dans une perspective historique, comme témoin de l’activité humaine qui s’est manifestée à un moment donné et qui, en tant que telle, doit être conservée. La restauration se pose alors comme une discipline à part entière et non plus comme une pratique artisanale. En Belgique, le concept de restauration nait en même temps que celui de patrimoine national. La restauration signifie une remise en bon état. L’évènement majeur dans le développement de la restauration au xixe siècle est la fondation de la Commission royale des Monuments en 1835, cinq ans après la fondation de la Belgique. Le développement de la sauvegarde du patrimoine reflète la politique des pouvoirs publics et de la Maison Royale. Il s’agit de donner au nouvel État belge une identité propre et de légitimer son existence à la lumière de l’histoire. L’attention se porte alors sur les châteaux, les Hôtels de Ville, les édifices religieux qui reflètent le mieux le passé glorieux de la nation. Les interventions de la Commission royale des Monuments correspondent aux différentes idées qui ont émané au xixe siècle dans le domaine de la protection et de la restauration des monuments. Ces idées évoluent au cours du siècle, varient selon les sphères culturelles, anglo-saxonnes, germaniques ou latines. Les théories belges de la restauration sont calquées sur deux théories contradictoires c’est-à-dire la restauration dans le style de Viollet-le-Duc en France et le refus de la restauration de Ruskin en Grande-Bretagne. Viollet-le-Duc (1814-1879) est l’architecte qui a restauré Notre-Dame de Paris. Selon lui, la restauration correspond à une restitution des parties manquantes dans le style original de l’oeuvre. Pour mener cette restauration à bien, il se base sur une étude typologique des monuments de la même époque et de la même région, il élabore une grammaire de formes à appliquer par analogie à un édifice à restaurer. Il croit à l’unité de style d’un monument et il veut la retrouver quitte à « rétablir l’édifice dans un état qui peut même n’avoir jamais existé ». Les conseils de Viollet-le-Duc incitent les architectes restaurateurs à intervenir sur un bâtiment historique ce qui peut le rendre parfois méconnaissable, à faire émerger une image idéalisée de l’édifice. De plus, la restauration se fait sur la base d’un état existant et déjà transformé de l’édifice. Ainsi, des parties sont retirées par conviction qu’elles n’étaient pas en place dès le début et sont remplacées par des éléments qui sont perçus comme ayant pu exister à l’origine. …

Parties annexes