Comptes rendus

Gagnon, Robert et Pierre Frigon, Augustin Frigon : sciences, techniques et radiodiffusion (Montréal, Boréal, 2019), 248 p.[Notice]

  • Clarence Hatton-Proulx

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  • Clarence Hatton-Proulx
    Doctorant en études urbaines et en histoire, Institut national de la recherche scientifique et Sorbonne-Université

Augustin Frigon était-il voué à rester dans l’ombre de l’histoire ? Quand il décède en 1952, son héritage est éclipsé par la mort de l’ancien premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau trois jours avant la sienne. Pourtant, cet héritage est de taille. Augustin Frigon : sciences, techniques et radiodiffusion, biographie écrite par Robert Gagnon et Pierre Frigon – aucun lien de parenté –, tente justement de restituer l’importance historique de ce personnage méconnu, dont le rôle dans le développement du Québec au long de la première moitié du XXe siècle est comparable à celui de personnages comme Lionel Groulx et Marie-Victorin, selon les auteurs. Contrairement à ces deux figures, Frigon n’était ni religieux ni scientifique, mais bien un technicien, ce qui explique en partie l’intérêt moindre qu’on lui porte, selon Gagnon et Frigon. Le premier chapitre du livre retrace son parcours universitaire. Formé en génie chimique, civil et électrique à la jeune École Polytechnique de Montréal, au Massachussetts Institute of Technology (MIT), à l’École supérieure d’électricité de Paris et à l’Université de Paris (Sorbonne), c’est cette dernière vocation d’ingénieur électrique qui lui permettra de se distinguer dans le milieu universitaire. Il est le premier Canadien français à avoir obtenu un doctorat en sciences. Pour Gagnon et Frigon, c’est entre autres cet accomplissement inhabituel qui a permis à ce fils de contremaître d’accéder à des fonctions importantes tout au long de sa carrière. Parmi celles-ci, c’est d’abord à l’École Polytechnique qu’il s’implique, épisode retracé dans le second chapitre. Directeur du laboratoire d’électricité de cette école, il entreprend de moderniser ses équipements et fonde la Revue trimestrielle canadienne aux côtés notamment d’Édouard Montpetit. Cette revue, qui deviendra L’Ingénieur en 1955, est encore publiée aujourd’hui. Puis, fraîchement auréolé de son doctorat de la Sorbonne, il devient en 1923 le Directeur des études à l’École Polytechnique, soit le troisième en cinquante ans et le premier Canadien français à occuper cette fonction. Malgré ses obligations futures, il restera toujours lié à cette institution dont il présidera la corporation de 1935 jusqu’à sa mort. Tout au long de sa vie, Frigon sera un ardent promoteur de l’éducation technique, comme le démontrent plusieurs exemples sélectionnés par les auteurs dans le troisième chapitre. Comme plusieurs de ses contemporains, il partage le constat de l’infériorité économique des Canadiens français. La solution réside selon lui dans l’inculcation d’un sens industriel chez le peuple québécois, ce qui passe par une « pénétration pacifique […] par l’école à tous les degrés » (p. 215). Cela se traduit par l’enseignement des travaux manuels et du dessin linéaire dès l’école primaire, qui doit s’accompagner d’une introduction aux questions économiques et industrielles. Les collèges classiques, quant à eux, sont appelés à faire une place plus grande aux sciences et aux mathématiques, afin de mieux former les techniciens de demain. Pour mener à bien cette cause, il est nommé Directeur général de l’enseignement technique de la province de Québec en 1924 et s’implique au sein de la Commission des écoles catholiques de Montréal à partir de 1928. À force d’efforts et d’alliances, il arrive à rendre obligatoire un programme de travaux manuels à l’école primaire en 1937. Peut-être est-ce l’implication de Frigon dans la naissance et les premiers pas de Radio-Canada qui est restée dans les annales ; celle-ci est retracée dans le quatrième chapitre. Il est d’abord nommé à la Commission Aird sur la radiodiffusion en 1928, qui explore les différents régimes de régulation de ce secteur et se prononce en faveur de la création d’un organisme public de radiodiffusion. Lorsque CBC/Radio-Canada est créé en 1936, Frigon est institué Directeur général adjoint, notamment …

Parties annexes