Comptes rendus

Havard, Gilles, Empire et métissages. Indiens et Français dans le Pays d’en Haut, 1660-1715 (Québec, Septentrion, 2017 [2003], 2e édition), 610 p.Havard, Gilles, Histoire des coureurs de bois. Amérique du Nord, 1600-1840 (Paris, Les Indes Savantes, 2016), 840 p.[Notice]

  • Joseph Gagné

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  • Joseph Gagné
    Département des sciences historiques, Université Laval

L’image du coureur de bois, telle qu’elle a été forgée au XVIIe siècle, a la vie dure, très dure même. D’une part créée par la critique des chroniqueurs et des élites de l’époque – de Charlevoix en passant par Vaudreuil - les historiens nationalistes ont ensuite récupéré le personnage et l’ont élevé au panthéon des mythes fondateurs du Canada français. Néanmoins, son intérêt perdure encore au sein de l’imaginaire collectif – comme le rappelle le récent film Le Revenant d’Alejandro Iñárritu. C’est donc avec grand plaisir que le chercheur s’intéressant à l’histoire du coureur de bois se voit choyé par la publication récente de deux ouvrages de Gilles Havard, spécialiste des relations franco-amérindiennes et de la région des Grands Lacs sous le Régime français. Nul besoin de s’attarder à la réputation de l’auteur, un historien français dont la contribution à l’étude des sociétés coloniales en Amérique du Nord lui a valu de nombreux prix, notamment pour l’Histoire de l’Amérique française, coécrit avec Cécile Vidal, sans doute la meilleure synthèse disponible au sujet de l’expérience coloniale française entre le XVIe et le XIXe siècle. La plupart des lecteurs auront découvert Havard par l’entremise de son oeuvre pionnière Empire et métissage, d’abord publiée en 2003. Toujours d’actualité, cet ouvrage fait éclater l’historiographie traditionnelle qui était « prompte à exagérer la puissance et la centralité des Français parmi les Indiens » (p. 9) des Grands Lacs. (Cela dit, rappelons que malgré son sous-titre, le livre inclut dans sa géographie étudiée le Pays des Illinois, qui fait partie des Pays d’en Haut jusqu’en 1717, avant d’être confié à la gouvernance de la Louisiane.) En effet, Havard réussit avec brio à reconstituer l’espace impérial français en marge de sa colonie nord-américaine, opposant la vision officielle des administrateurs coloniaux et métropolitains à la réalité des interactions locales. Il en ressort justement un Pays d’en Haut où l’influence française est soumise aux alliances amérindiennes, plutôt que l’inverse. Par sa nature toujours innovatrice, l’ouvrage connaît une nouvelle incarnation 15 ans après sa première parution. Comme la préface l’indique, cette deuxième édition n’est « pas une véritable refonte » (p. 7). L’éditeur et l’auteur ont plutôt cherché à « lui donner une seconde vie » (p. 7). Peut-être, n’empêche qu’on ne peut nier que l’ouvrage est passé par une cure minceur, ayant perdu près de 200 pages. Celle-ci s’explique par l’épuration de nombreuses notes jugées superflues et la suppression de nombreux sous-titres qui balisaient l’édition originale. Le lecteur jugera selon son goût si ce dernier changement améliore la présentation du texte ou non. Qu’importe, puisque le nombre de changements supplémentaires qui y sont portés, parmi lesquels des reformulations et l’insertion de nouvelles citations ou de précisions font que la mise à jour est assez importante pour justifier l’achat de cette nouvelle mouture même si on possède déjà l’original. Outre ces changements, le lecteur profitera surtout de la nouvelle préface situant l’ouvrage dans l’évolution de l’historiographie des relations entre les Premières Nations et les colons français. Bien qu’il s’agisse d’un menu détail, on peut également applaudir le choix d’avoir transformé les notes de fin de chapitre en notes de bas de page, rendant la lecture plus agréable. Cette nouvelle édition arrive à point puisque, outre que l’originale soit épuisée, elle est un complément (et même un bon prologue) au plus récent ouvrage de Gilles Havard, Histoire des coureurs de bois. Ce nouveau titre confirme à nouveau que l’auteur est une sommité au sein de la communauté d’historiens de la traite des fourrures. Organisée en deux sections, la première partie du livre porte sur …