Recensions

Namian, Dahlia (2012). Entre itinérance et fin de vie. Sociologie de la vie moindre, Québec, Presses de l’Université du Québec, 236 pages. ISBN 978-2-7605-3515-2[Notice]

  • Judith Sigouin

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  • Judith Sigouin
    Candidate à la maîtrise en travail social, UQAM

Cet ouvrage explore avec courage la notion de « vie moindre » en introduisant le lecteur dans des lieux contrastés : une ressource d’hébergement pour les personnes vivant avec le VIH/sida (la Maison) et un foyer pour personnes itinérantes (la Mission). Dahlia Namian a choisi de mener sa recherche de doctorat en sociologie dans ces deux milieux. Ses intérêts de recherche portent principalement sur le renouvellement des modes de désignation et de prise en charge des problèmes sociaux ainsi que sur les liens entre individualité et normativité contemporaine, des thèmes que l’on retrouve au fil des chapitres. Namian dresse d’abord un portrait détaillé des lieux : aspect physique, structure et apparence des bâtiments, tout en rattachant ces éléments à leur histoire. La Maison est une demeure semblable aux autres, située dans un quartier résidentiel. La Mission est un bâtiment plus isolé, dont les murs sont en béton. Contrairement à la Maison, elle « ne doit pas être un lieu de vie, voire un endroit habitable et agréable » (p. 54). Les problématiques vécues par les personnes qui utilisent ces deux ressources, bien que différentes, se prêtent à une mise en parallèle. La Maison accueille surtout des personnes atteintes du VIH/sida qui, dans la plupart des cas, sont en fin de vie et ont besoin de soins palliatifs. La Mission accueille des personnes qui sont aux prises avec des problématiques d’itinérance et tente de faciliter leur réinsertion dans la société. Namian présente également les modes de fonctionnement des deux ressources (critères d’admission des résidents, règles internes, rôles des divers intervenants disponibles, etc.), tout en montrant comment ils tiennent compte, dans chacun des lieux, des besoins d’une clientèle distincte. Malgré les différences évidentes, Namian attire rapidement notre attention sur des éléments de convergence. Selon l’auteur, ce sont là « des ‘vases communicants’ concrets, puisque plus d’un tiers des résidents de la ressource VIH/sida vivaient dans la rue » au moment d’entrer à la Maison entre 2008 et 2009 (p. 41). Elle souligne ce qui rapproche les deux populations en cause : ce sont des personnes qui doivent faire face à une « tension confondante de la survie biologique (surmortalité élevée chez les itinérants et mort certaine à terme pour les personnes malades en fin de vie) et survie sociale (dans les deux cas, on fait face à des individus extrêmement isolés, ayant un réseau relationnel très réduit, voire absent, retirés de toute activité sociale significative, étude, travail, loisirs, etc.) » (p. 41). Lorsqu’elle aborde les méthodes d’intervention utilisées dans chacun des deux milieux, Namian établit de nombreux parallèles entre ce que vivent les intervenants de la Maison et de la Mission quant à leurs questionnements, leurs difficultés et leurs rapports avec les résidents, notamment dans les situations où l’orientation qu’il faut donner à l’intervention n’est pas clairement définie. À partir d’exemples tirés de la vie quotidiennes dans ces deux milieux l’auteure fait ressortir cette dualité : D’une part, il y a une orientation qui privilégie l’accompagnement, ce qui implique une « non-directivité » (p. 15) dans l’intervention, laissant ainsi une grande place à la subjectivité et à l’autonomie afin que l’individu « ne rentre plus dans des rangs » ; on veut plutôt « faire faire » (Astier, 2007, cité dans Namian, p. 38). D’autre part, il y a un besoin de prise en charge dans le cas des personnes aux prises avec des problématiques lourdes qui semblent tout à fait laissées à eux-mêmes, alors que l’absence d’intervention pourrait s’avérer dangereuse (par exemple, à la Maison, la nécessité d’un suivi strict par le personnel de la prise de médicaments) (p. …