Résumés
Résumé
Au XIXe siècle, la littérature fantastique exploite le thème de la mort et devient une véritable littérature du cadavre. Dans des oeuvres telles que Frankenstein de Mary Shelley ou Le Rêve du docteur Mišić de K.S. Gjalski, les corps errent entre la vie et la mort et s’animent sous la plume des écrivains. Ces récits substituent le cadavre au traditionnel revenant et délaissent le surnaturel pour puiser l’horreur dans la réalité : le corps inerte y apparaît comme un objet de recherches scientifiques et fait du cimetière l’antichambre du laboratoire. À travers l’histoire du docteur Frankenstein et du docteur Mišić, le lecteur découvre la face sombre d’un siècle scientiste où la dépouille, devenue simple marchandise, se négocie et s’expose dans les salles de dissections. Les amphithéâtres des universités font ainsi de la mort un spectacle où les savants se prennent pour Dieu ; mais en défiant l’interdit et en brisant le tabou entourant le cadavre pour dévoiler les secrets de la nature, les héros fantastiques encourent un châtiment mortel.
Mots-clés :
- fantastique,
- cadavre,
- science,
- médecine,
- tabou
Abstract
In the 19th century, fantastic literature draws on the theme of death and becomes a true literature of the corpse. In works such as Mary Shelley’s Frankenstein or K.S. Gjalski’s Le Rêve du docteur Mišić, bodies wander between life and death and come to life under the writer’s pen. These narratives substitute the corpse for the traditional ghost and abandon the supernatural to draw horror from reality: the inert body there appears as a subject of scientific research so that the churchyard is a necessary stop on the way to the laboratory. Through the stories of Dr. Frankenstein and Dr. Mišić, the reader discovers the dark face of a scientist century where the body, turned into mere merchandise, can be bought and exhibited in dissection rooms. Thus university amphitheaters turn death into a show in which scientists play God ; but by defying conventions and breaking the taboo surrounding corpses to unveil the secrets of nature, fantastic heroes incur a deadly punishment.
Keywords:
- fantastique,
- corpse,
- science,
- medicine,
- taboo
Parties annexes
Bibliographie
- ARIÈS, P. (1975). Essais sur l’histoire de la mort en Occident, Paris, Seuil.
- BERTHERAT, B. (2005). « La mort en vitrine à la Morgue à Paris au XIXe siècle (1804-1907) », dans R. BERTRAND, A. CAROL et J.-N. PELEN, Les Narrations de la mort, Aix-en-Provence, PUP, coll. « Le Temps de l’histoire », p. 181-195.
- BOULOMIÉ, A. (2008). Les vivants et les morts : littératures de l’entre-deux-mondes, Paris, Imago.
- BOZZETTO, R. (1998). Territoires des fantastiques : des romans gothiques aux récits d’horreur moderne, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence.
- CAROL, A. (2004). Les Médecins et la mort, Paris, Aubier.
- DEBOUT, M. et D. CETTOUR (2006). Science et mythologie du mort, Paris, Vuibert, coll. « Histoire des sciences ».
- FREUD, S. (2001). Totem et tabou, Paris, éditions Payot et Rivages.
- GAUTIER, T. (2004). « La Morte amoureuse », dans Les mortes amoureuses, Arles, Actes Sud, p. 23-69.
- GJALSKI, K.S. (1996 [1890]). « Le Rêve du docteur Mišić», trad. de A. GRCHICH, dans J. GOIMARD et R. STRAGLIATI, La grande anthologie du fantastique, vol. 1, Paris, Omnibus, p. 400-421.
- GLUT, D.F. (2002). The Frankenstein Archive : Essays on the Monster, the Myth, the Movies, and More, Jefferson, NC et Londres, McFarland and Company Inc.
- LECERCLE, J.-J. (1990). « Frankenstein, roman du paradoxe », Les Cahiers des para-littératures, vol. 7 : actes du Colloque Frankenstein, Littérature/Cinéma, Liège, éditions C.L.P.C.F., p. 68.
- MAURIAC, F. (1970). Journal 1932-1939, Paris, Éditions Bernard Grasset.
- PALACIO, J. de (1969). Mary Shelley dans son oeuvre : contribution aux études shelleyennes, Paris, Klincksieck.
- SHELLEY, M. (1975 [1818]). Frankenstein, trad. de G. HANGEST, Paris, Garnier-Flammarion.
- SHELLEY, M. (1992 [1818]). Frankenstein, Londres, Penguin Classics.
- VOVELLE, M. (2000). La mort et l’Occident, de 1300 à nos jours précédé de La mort, état des lieux, Paris, Gallimard.