ChroniquesNumérique en éducation

Les vertus de la correction par les pairs[Notice]

  • Ambroise Baillifard

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  • Ambroise Baillifard
    UniDistance (Suisse)

Plutôt que de soumettre une idée iconoclaste à la fois, Bouzidi et Jaillet (2007) en lancent deux à la volée. Premièrement, ils proposent que la laborieuse et si délicate tâche d’évaluation des apprentissages puisse être relevée par… les étudiants eux-mêmes. Ils s’évalueraient les uns les autres grâce à une grille critériée et un corrigé fournis par l’enseignant. Deuxièmement, Bouzidi et Jaillet recommandent que ce processus d’évaluation se fasse à distance et par le biais du numérique. Grâce à cette approche, les étudiants gagneraient en matière de niveaux cognitifs mobilisés lors de l’apprentissage (Anderson et Krathwohl, 2001), en nombre de répétitions des concepts et en autonomie (Bostock, 2006) à condition que le processus soit anonymisé (Bostock, 2000). Et alors ? Est-ce que l’image d’enseignants suant et se torturant les méninges afin d’attribuer les notes de fin de semestre appartiendrait au passé ? Une expérience de Bouzidi et Jaillet (2007) tente d’y répondre. Après avoir numérisé les copies d’un examen d’architecture, les chercheurs les ont soumises aux étudiants (en leur donnant les informations utiles à la correction) et aux enseignants. Résultat : les évaluations rendues par les pairs ne diffèrent pas significativement de celles des enseignants. Conclusion : à une époque où d’aucuns parlent d’engorgement des forces de travail, il est faisable de repenser l’évaluation. À cette fin, il vaut la peine de s’intéresser à la correction par les pairs, d’en repérer les limites et les vertus. De ces bienfaits pour l’étudiant découlent nécessairement des bienfaits pour les enseignants. Les commentaires que les étudiants s’écrivent donnent mieux à voir leurs difficultés que les réponses elles-mêmes. L’enseignant peut ainsi mieux repérer les difficultés des étudiants. De plus, dans les très grandes classes, l’atelier de correction par les pairs permet de fournir des corrigés individualisés et précis à chaque étudiant, alors que l’équipe enseignante n’en aurait simplement pas la possibilité. Ensuite, quand l’étudiant utilise la grille d’évaluation des enseignants pour corriger un travail, il assimile les barèmes et comprend mieux les attentes et la méthode avec laquelle il sera évalué. Cette méthode participe à la création d’une ambiance coopérative dans le groupe classe. « La plupart des éléments que nous avons passés en revue suggèrent que l’exposition à la rétroaction corrective peut faciliter le processus d’acquisition » (Coşereanu, 2009, p.48). Les conditions pour réussir cette implémentation pédagogique ne sont ni nombreuses ni compliquées. Premièrement, il faut garantir l’anonymat des correcteurs auprès des étudiants, mais pas auprès de l’enseignant qui conserve la possibilité d’évaluer, au besoin, la qualité des retours. Deuxièmement, il faut fournir aux correcteurs une grille critériée et les réponses correctes. Enfin, il est nécessaire, et c’est le plus difficile, d’obtenir l’adhésion des étudiants (Mazur, 2014)… mais ceci est autre sujet.

Parties annexes