Le Maghreb urbainPaysage culturel entre la tradition et la modernité[Notice]

  • Mohamed Lazhar

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  • Mohamed Lazhar
    Universität Stuttgart

L’histoire des villes du Maghreb est marquée par un ensemble de vicissitudes qui ont très lourdement pesé sur leur destin. D’abord, au substrat de la médina arabo-islamique, la ville européenne, développée avec la colonisation, usurpa la plupart des prérogatives et des rôles économiques. Par la suite, la ville maghrébine va voir déferler des ruraux à la recherche de refuge et d’emploi. Depuis l’indépendance, les effets liés à l’accélération de l’urbanisation et aux changements de la société ont porté des coups décisifs dans le modelage de l’état actuel du paysage maghrébin. De ce fait, les villes du Maghreb peuvent être considérées comme le témoin, le creuset, l’expression des changements profonds de la société maghrébine et l’espace-miroir de son histoire ancienne et moderne. Afin de contourner cette thématique, notre approche des paysages urbains maghrébins sera à la fois diachronique et synchronique. Nous allons, ainsi, nous servir de trois disciplines : l’histoire l’urbanisme et la sociologie. Mais, avant d’examiner les spécificités historico-urbanistiques et socio-spatiales du paysage culturel de la tradition et de la modernité au Maghreb, il est important de définir ces notions de bases : le paysage culturel et la modernité. Nous pouvons partir sur la base de trois définitions de la notion du paysage culturel, fournies respectivement par le géographe américain Carl Sauer (« le paysage culturel est façonné à partir du paysage naturel par un groupe culturel. La culture est l’agent, la nature le moyen, et le paysage culturel le résultat »), par l’UNESCO (« ouvrages combinés de la nature et de l’homme »), et par la Commission de la capitale nationale du Canada (CCN) (« un paysage culturel est un ensemble d’idées et de pratiques inscrites dans un lieu. Les "idées et pratiques" forment l’élément "culturel" du concept alors que le "lieu" est l’élément qui en fait un paysage »). Trois idées essentielles de ces définitions peuvent retenir notre attention : Dans un premier temps, nous pouvons distinguer, dans un paysage culturel, trois éléments : la culture, la nature et l’oeuvre. Dans un deuxième temps, les paysages culturels sont divers et nous pouvons, au sens de la terminologie de l’UNESCO, énumérer trois types : premièrement, le paysage culturel créé intentionnellement par l’homme – comme les jardins et les parcs ; deuxièmement, le paysage culturel évolutif, dans lequel on distingue le paysage relique et vivant – ils sont le résultant des exigences sociales et économiques ; troisièmement, le paysage culturel associatif, qui lie des phénomènes religieux, artistiques ou culturels avec un lieu. Dans un troisième temps, la notion du paysage culturel couvre une vaste gamme de lieux. Ces derniers peuvent être de nature urbaine (comme le cas des villes maghrébines) ou rurale et leur taille peut varier d’une petite place à une région de plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Au-delà de la substance historique et des apports de la modernité depuis le 16ème siècle, le terme de « modernité », quant à lui, n’a été utilisé pour la première fois qu’au 19ème siècle par Charles Baudelaire. Il désignait les traits de la création artistique d’avant-garde. Depuis ce premier usage, la « modernité » est devenue polymorphe. Chaque époque et chaque discipline ont leurs propres conceptions de la modernité et son caractère innovant empêche de la figer dans une substance unique. Selon le point de vue adopté, la modernité apparait tantôt stable et tantôt mouvante. Généralement, celui qui parle de « modernité » ou qui, d’une façon ou d’une autre, se meut dans la problématique de la modernité, cherche à cerner les grands caractères ou les tendances déterminantes du moment historique qui est le sien, lequel se constitue aussi …

Parties annexes